TchadAvec la mort de Déby, l'Occident perd son plus fort allié au Sahel
ATS
21.4.2021 - 08:40
Avec la mort du président tchadien Idriss Déby Itno, les Occidentaux, Paris en tête, perdent leur plus solide allié contre le djihadisme dans une région sahélienne tourmentée. L'ancienne colonie française entourée d'Etats faillis faisait en effet figure d'îlot de relative stabilité.
21.04.2021, 08:40
ATS
Depuis son arrivée au pouvoir par les armes en 1990, avec l'aide de Paris, Idriss Déby a toujours pu compter sur son allié français qui a installé à N'Djamena le quartier général de sa force antidjihadiste au Sahel Barkhane.
Idriss «Déby était cet allié auquel on ne touchait pas. On a beaucoup fermé les yeux sur les exactions qu'il a commises. C'est un choix politique. La France comptait sur le soutien de Déby» dans la lutte anti-djihadiste au Sahel, souligne Caroline Roussy, chercheuse à l'institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris.
Or, «aujourd'hui, cela peut être compromis par cette nouvelle donne politique. La cohésion nationale qui était déjà extrêmement fébrile et qui tenait par un régime autoritaire peut s'effondrer», dit-elle à l'AFP.
L'armée française, présente au Tchad de manière quasi permanente depuis l'indépendance du pays en 1960, a été amenée à intervenir à plusieurs reprises pour arrêter des groupes rebelles dans ce pays africain avec lequel Paris est lié par des accords de défense.
En 2008, une colonne armée de l'union des forces de la résistance (UFR) venue de l'est avait atteint le coeur de N'Djamena et failli renverser le pouvoir du président Déby. Paris avait alors apporté une aide décisive aux forces tchadiennes.
Plus récemment, en février 2019, des avions de combat français ont frappé une colonne de pick-up de l'UFR lourdement armée venue de Libye, afin d'"éviter un coup d'Etat», avait justifié à l'époque le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
De son côté, le président Déby ne ménageait pas ses efforts ces dernières années pour faire rempart aux groupes djihadistes sévissant dans les Etats voisins, à l'aide de son armée, réputée être la plus aguerrie de la sous-région.
Pilier sécuritaire régional
La mort du président tchadien «va introduire du flottement, car M. Déby pesait énormément dans la géopolitique au Sahel et avec les Français», confie à l'AFP Yvan Guichaoua, chercheur à l'université de Kent. Plus largement, prévient-il, «si les Tchadiens s'occupent dorénavant de leurs affaires internes, car la transition ouvre la porte à des querelles de palais – aujourd'hui sous contrôle – cela va affaiblir tous les efforts militaires là où les Tchadiens sont présents».
Outre son engagement dans la lutte contre le groupe islamiste nigérian Boko Haram, le Tchad fournit le deuxième plus gros contingent au sein de la mission des Nations unies au Mali (MINUSMA) et constitue l'un des piliers de la force conjointe du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad).
Il est aussi le seul pays du G5 Sahel à avoir déployé un bataillon en dehors de ses frontières nationales, au Niger, dans la région dite des «trois frontières», réputée servir de refuge aux groupes djihadistes sahéliens. Le déploiement a toutefois été accompagné d'exactions: plusieurs semaines après son arrivée dans la zone, plusieurs cas de viols sur des populations civiles ont été constatés.
Risque d'effondrement du Mali
Or, ces engagements militaires tous azimuts pourraient être remis en question avec la mort du président Déby, notent les experts. «S'il y a des soubresauts à l'intérieur et que cela devient incontrôlable, le Tchad sera obligé de rappeler ses soldats envoyés à l'étranger», avertit Amadou Bounty Diallo, enseignant à l'université de Niamey et ancien parachutiste de l'armée nigérienne à l'AFP.
Cette perspective est inquiétante à l'heure où Paris envisage de réduire progressivement son empreinte militaire au Sahel après huit ans de présence ininterrompue au Mali, à la faveur d'une plus grande implication des pays de la région dans leur propre sécurité.
«Si ce rappel des soldats tchadiens se double éventuellement d'un départ des forces terrestres de Barkhane, je pense que le Mali va s'effondrer. On risque l'effondrement du Burkina Faso et une partie ou l'intégralité du Niger», estime Amadou Bounty Diallo.