Rangoun Des balles en caoutchouc ont été tirées sur les manifestants 

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27.2.2021 - 10:46

La police birmane a tiré samedi des balles en caoutchouc à Rangoun pour disperser des manifestants réclamant le retour de la démocratie. La veille, l'ambassadeur du pays à l'ONU avait rompu avec la junte qui a pris le pouvoir.

Les manifestants, pour beaucoup munis de masques à gaz, casques et boucliers de fortune, ont construit des barricades.
Les manifestants, pour beaucoup munis de masques à gaz, casques et boucliers de fortune, ont construit des barricades.
ATS

Le pays est secoué par une vague de manifestations pro-démocratie depuis le coup d'Etat militaire qui a renversé la dirigeante civile Aung San Suu Kyi le 1er février. Les autorités ont graduellement intensifié l'usage de la force pour les disperser, avec des gaz lacrymogènes, canons à eau, balles en caoutchouc et parfois des balles réelles.

A Rangoun samedi, la police a utilisé des balles en caoutchouc pour disperser une manifestation au carrefour de Myaynigone, scène la veille d'un long affrontement.

«Que fait la police? Elle protège un dictateur fou», scandaient les manifestants. Des centaines de membres de l'ethnie Môn s'étaient rassemblés pour commémorer leur fête nationale, rejoints par d'autres groupes ethniques protestant contre le coup d'Etat.

Des barricades

Les manifestants, pour beaucoup munis de masques à gaz, casques et boucliers de fortune, sont partis construire des barricades dans les petites rues alentour.

Les reporters locaux ont diffusé des scènes chaotiques en direct sur Facebook, y compris les moments où les coups de feu ont retenti. On ignore si des balles réelles ont été utilisées. Au moins 15 personnes ont été arrêtées, a confirmé la police.

Trois journalistes figurent parmi les personnes arrêtées dont un photographe de l'agence américaine Associated Press ainsi qu'un vidéaste et un photographe de deux agences birmanes, respectivement Myanmar Now et Myanmar Pressphoto.

Rupture de l'ambassadeur à l'ONU

La veille, l'ambassadeur de la Birmanie à l'ONU, Kyaw Moe Tun, avait appelé d'une voix émue à «mettre fin au coup d'Etat militaire», au moment où la police dispersait des manifestants dans trois grandes villes du pays. Une centaine de personnes ont été arrêtées vendredi dont 31 à Rangoun.

«Nous avons besoin de l'action la plus forte de la communauté internationale pour immédiatement mettre fin au coup d'Etat militaire, mettre fin à l'oppression du peuple innocent et rendre le pouvoir de l'Etat au peuple», a déclaré Kyaw Moe Tun lors d'une session spéciale de l'Assemblée générale consacrée à la Birmanie.

Dans quelques phrases en birman, il a demandé à ses «frères et soeurs» de poursuivre le combat contre la junte. «Cette révolution doit gagner», a-t-il lancé, achevant son discours d'une douzaine de minutes sous les applaudissements avec trois doigts levés, le geste de ralliement des manifestants.

Le dernier cas d'ambassadeur s'élevant en séance contre ses autorités à l'ONU remonte à 2011 lorsque le représentant libyen s'était opposé au dictateur Mouammar Kadhafi en pleine révolte libyenne.

«Envoyer un signal»

«Nous allons montrer aux militaires (birmans) que leurs actions auront des conséquences», a prévenu l'ambassadrice américaine à l'ONU, Linda Thomas-Greenfield.

L'émissaire de l'ONU pour la Birmanie, Christine Schraner Burgener, a exhorté par liaison vidéo les 193 membres de l'Assemblée générale à «envoyer collectivement un signal clair en faveur de la démocratie en Birmanie».

La junte birmane invoque pour justifier le coup d'Etat des fraudes électorales lors des élections générales de novembre, les deuxièmes depuis la dissolution de la junte en 2011 et qui avaient été remportées haut la main par le parti d'Aung San Suu Kiy.

Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991, n'a pas été vue en public depuis son arrestation. Assignée à résidence dans la capitale Naypyidaw, elle a été inculpée pour l'importation illégale de talkies-walkies puis pour violation des restrictions liées au coronavirus.

Malgré plusieurs demandes, son avocat Khin Maung Zaw n'a pas été autorisé à voir sa cliente avant une audience fixée lundi.

Depuis le coup d'Etat, quatre personnes ont perdu la vie pendant des manifestations, une autre est morte au cours d'une patrouille nocturne, tandis que l'armée a signalé de son côté qu'au moins un policier avait été tué. Plusieurs centaines de personnes ont aussi été arrêtées.

Une ONG d'aide aux prisonniers politiques évalue à plus de 770 le nombre de personnes arrêtées, inculpées ou condamnées depuis le putsch, dont quelque 680 toujours derrière les barreaux.

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