Libye Carnage dans un centre de migrants en Libye

ATS

3.7.2019 - 21:31

Les services de secours étaient encore à la recherche d'éventuels survivants sous les décombres du centre de migrants visé par un raid aérien en Libye, tandis que des dizaines d'ambulances se précipitaient sur place.
Les services de secours étaient encore à la recherche d'éventuels survivants sous les décombres du centre de migrants visé par un raid aérien en Libye, tandis que des dizaines d'ambulances se précipitaient sur place.
Source: KEYSTONE/AP/HAZEM AHMED

Au moins 44 migrants ont été tués et une centaine blessés dans une frappe contre un centre de détention près de la capitale libyenne Tripoli. Le raid a été condamné mercredi par la communauté internationale et dénoncé comme un possible «crime de guerre» par l'ONU.

La frappe aérienne menée mardi tard le soir à Tajoura a été attribuée par le gouvernement d'union nationale (GNA) basé à Tripoli aux forces rivales de Khalifa Haftar engagées dans une offensive pour s'emparer de la capitale d'un pays plongé dans le chaos depuis 2011. Le centre de détention abritait environ 600 migrants, en majorité érythréens et soudanais, et deux de ses cinq hangars ont été touchés et fortement endommagés, selon le responsable du centre Noureddine al-Grifi.

«Ce carnage ignoble et sanglant» est «une conséquence des plus horribles et tragiques» de «l'absurdité de cette guerre», a déclaré l'émissaire de l'ONU, Ghassan Salamé, dans un communiqué de la Mission des Nations unies en Libye (Manul). «Cet attentat pourrait clairement constituer un crime de guerre, frappant des innocents (...) contraints d'échouer dans cet abri par des conditions de vie épouvantables», a affirmé M. Salamé.

Cratère de trois mètres

Selon le texte, au moins 44 migrants ont péri et plus de 130 ont été grièvement blessés dans ce centre à Tajoura, une banlieue est de Tripoli. Quelque 120 migrants étaient détenus dans le hangar n°3 quand il a été touché à 23h34, a indiqué M. Grifi. Sur le sol du hangar, restes humains, couvertures maculées de sang, débris et morceaux tordus de la structure métallique du bâtiment entourent un cratère de trois mètres de diamètre, a constaté l'AFP.

C'est la deuxième fois que ce centre pour migrants est touché depuis le début de l'offensive des pro-Haftar. Les forces de M. Haftar ont nié mercredi leur responsabilité dans la frappe, accusant ses rivaux de «fomenter un complot» pour leur faire endosser la responsabilité du carnage. Des médias pro-Haftar ont pourtant fait état mardi soir d'une «série de raids aériens» à Tripoli et Tajoura. Ce secteur abrite plusieurs sites appartenant aux groupes armés pro-GNA et est régulièrement la cible de raids aériens des pro-Haftar.

Après ce carnage, des ONG ont fait part de leur «effroi». L'Union européenne (UE) a condamné une «horrible attaque» et s'est associée à l'appel de l'ONU pour l'ouverture d'une enquête. L'Union africaine (UA), les Etats-Unis, la France et l'Italie ont également condamné la frappe. Ankara, qui soutient militairement le GNA, a qualifié l'attaque de «crime contre l'humanité».

A Genève, le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont «condamné fermement» tout attaque sur des civils. Ils ont demandé des investigations immédiates et indépendantes pour poursuivre les responsables. Ils ont également prévu une assistance médicale. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a lui aussi acheminer du matériel pour soutenir l'hôpital improvisé où ont été pris en charge les blessés.

Réunion d'urgence à l'ONU

Outre M. Salamé, la Haute commissaire aux droits de l'homme Michelle Bachelet a également dénoncé un possible «crime de guerre». Elle s'est dite choquée. Le Conseil de sécurité de l'ONU devait se réunir en urgence mercredi sur la Libye, à huis clos, selon des sources diplomatiques. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, «demande une enquête indépendante sur les circonstances».

Les agences de l'ONU et organisations humanitaires rappellent régulièrement leur opposition à ce que les migrants arrêtés en mer soient ramenés en Libye. Le pays est en proie à des luttes de pouvoir et à l'insécurité avec de multiples milices qui font la loi depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi après une révolte en 2011. Malgré une instabilité persistante, la Libye reste un important pays de transit pour les migrants fuyant les conflits et l'instabilité dans d'autres régions d'Afrique et du Moyen-Orient.

Devant le Conseil des droits de l'homme, l'ambassadeur suisse auprès de l'ONU à Genève Valentin Zellweger a appelé mercredi les autorités à rechercher «des alternatives» à leur détention. Il leur demande aussi de garantir les droits de l'homme et les libertés fondamentales de toutes les personnes retenues. «La Suisse se tient prête à soutenir de tels efforts», a également expliqué l'ambassadeur. MSF a souhaité de son côté l'évacuation de tous les migrants et réfugiés détenus dans plusieurs sites en Libye.

Les forces du maréchal Haftar ont promis cette semaine d'intensifier les frappes aériennes contre leurs rivales du GNA, après avoir perdu Gharyan. Le maréchal avait fait de cette ville située à une centaine de kilomètres de Tripoli son centre opérationnel dans son offensive contre la capitale, à plus de 1000 km de son bastion de Benghazi (est). Les deux camps rivaux s'accusent mutuellement de recourir à des mercenaires étrangers et de profiter du soutien militaire, notamment aérien, de puissances étrangères.

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