«Grande gueule» Ce coin d’Amérique où Trump jouit d’une aura inébranlable

ATS

14.3.2024 - 07:43

Dans son salon de coiffure en pleine campagne californienne, Woody Clendenen affiche fièrement des casquettes «Trump 2020» et «Make America Great Again», aux côtés d'un fusil à double canon, d'affiches de rodéo et de références à la constitution américaine.

Donald Trump, c'est qui ?

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26.01.2024

Keystone-SDA

Pour ce barbier de Cottonwood, à quatre heures de route au nord de San Francisco, voter Donald Trump pour renvoyer un homme d'affaires à la Maison Blanche relève de l'évidence, à l'approche du scrutin présidentiel de novembre.

«Personne ne peut nier que les choses étaient meilleures quand il était là-haut, comparé à aujourd'hui avec Joe Biden», estime ce quinquagénaire, fondateur d'une milice locale. «Les taux d'intérêts étaient bas, l'essence était bon marché.»

Avec ses clients, il peste contre le trop grand nombre d'immigrés, ou les «faux républicains» qui veulent dépenser des milliards pour soutenir l'Ukraine en guerre. Relais pour diligences fondé pendant la ruée vers l'or, Cottonwood fait partie du comté de Shasta, un îlot conservateur de 180'000 habitants noyé dans une Californie largement démocrate.

Dans cette grande plaine, surplombée par un volcan enneigé, perce une colère révélatrice de deux Amériques irréconciliables. «Je suis à fond pour Trump, il va être le sauveur de ce pays», lance à l'AFP Eugene Parham, dans un bar du coin.

A 83 ans, cet ingénieur en génie civil est révulsé par le «programme woke» de la gauche. Les conservateurs utilisent ce mot péjorativement pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme un excès de militantisme à l'égard des revendications de minorités et des injustices sociales et climatiques. «Il y a plein de conservateurs qui graissent leurs flingues, parce que nous n'allons pas laisser ce pays devenir socialiste», lâche-t-il, débitant des menaces de cow-boy.

Vitrine du trumpisme

Cette région, chauffée à blanc par la pandémie, est une des vitrines du trumpisme aux Etats-Unis. Après avoir soutenu à reculons les masques et restrictions sanitaires imposées par le gouverneur démocrate, la vieille garde du parti républicain y a été débarquée au profit d'élus complotistes, qui soutiennent mordicus que l'élection présidentielle de 2020 a été volée.

Malgré la large victoire de Donald Trump (65%) dans le comté, les autorités se sont débarrassées des machines électorales cet hiver dans l'espoir d'adopter un comptage manuel en 2024. L'Etat californien s'est interposé en ordonnant l'achat de nouvelles machines. Nombre d'électeurs locaux refusent toujours de croire à l'existence d'une majorité moins bruyante dans le reste du pays, capable de défaire Trump.

«Le type remplissait des stades», soupire Carlos Zapata, près des taureaux de son ranch. «Et ensuite on vous raconte que Biden gagne avec le plus grand nombre de voix enregistrées dans l'histoire de l'Amérique?» Pour la revanche qui se profile, cet ex-militaire de 45 ans juge le match plié d'avance.

Joe Biden, dont les 81 ans se font de plus en plus sentir, «n'est tout simplement pas capable, physiquement et mentalement, d'appliquer son propre programme», raille-t-il. A 77 ans, Donald Trump est «le meilleur président pour nous mener vers un avenir plus prospère», assène ce restaurateur, excédé par les impôts californiens, parmi les plus élevés du pays.

«Persécutions politiques»

Dans la région, les déboires judiciaires de l'ex-président n'entachent en rien sa popularité. Ses 88 chefs d'accusation cumulés dans quatre affaires au pénal sont assimilés par quantité d'habitants à des «persécutions politiques».

«C'est une tactique», pense Amber Maughs, sur sa Harley Davidson. «On enlaidit quelqu'un pour que quelqu'un d'autre ait l'air mieux.» Vigile dans un casino, la quadragénaire apprécie la parole «sans filtre» de Donald Trump.

Un avis largement partagé dans cette région aux penchants rebelles, où certains rêvent depuis des décennies de quitter la Californie pour former un nouvel Etat conservateur, nommé Jefferson. Les outrances répétées du candidat sont ainsi vite oubliées.

Lorsque Donald Trump a récemment envisagé d'être un «dictateur pour une journée», pour relancer la construction du mur frontalier avec le Mexique et les forages pétroliers, Sue Johnson a mis cela sur le compte de la plaisanterie. «Je n'aime pas quand il fait ça», reconnaît cette fonctionnaire de 64 ans. «Mais je me dis que ce n'est pas grave, qu'il fait juste encore sa grande gueule.»

Cette fervente catholique lui reste reconnaissante d'avoir installé une majorité conservatrice à la Cour suprême, ce qui a permis d'annuler la garantie constitutionnelle à l'avortement. «Ses actes sont plus éloquents que ses paroles», conclut-elle. «Donc je voterai pour lui sur cette base.»