«Cela va mal finir»Grèves, blocages,...: la température sociale s'élève en Argentine
ATS
25.2.2024 - 08:28
Quais de gares vides mercredi faute de trains, grève jeudi dans les hôpitaux, blocages prévus vendredi, grève générale en gestation: la température sociale monte peu à peu en Argentine, après les mesures d'austérité prises par le gouvernement ultralibéral Milei. Le président argentin revendique, lui, un redressement des comptes.
25.02.2024, 08:28
ATS
Les bons comptes
Voyages officiels désormais en mini-délégations et vols réguliers, ministères divisés par deux, 50'000 emplois publics supprimés, 27'000 bénéficiaires «irréguliers» rayés de l'aide sociale, subventions aux transports asséchées: le gouvernement claironne depuis deux mois ses coupes dans «l'Etat ennemi».
L'Argentine a enregistré en janvier son premier excédent budgétaire mensuel en 12 ans, a triomphalement annoncé le ministère de l'économie, à la boussole de «déficit zéro» en 2024. Il assure que l'inflation, plus tôt que prévu, est en voie d'être domptée depuis son arrivée: 25% en décembre, 20% en janvier, «plus proche de 10% en février» et possiblement à un seul chiffre au second semestre, avance le ministre Luis Caputo.
«Assainissement ou simple évaporation» des revenus? demande l'économiste Salvator Vitelli, pour qui l'effet mathématique immédiat n'est pas une garantie sur la durée. «La variable sociale sera déterminante pour savoir combien de temps pourra être supportée cette méthode d'amélioration des comptes».
Mais pas pour tous
Dans l'immédiat, et même si le président Javier Milei promet que «c'est 'la caste' politique qui va payer» l'ajustement, l'austérité pèse sur les bas et les moyens revenus à travers les transports, les médicaments (hausse des assurances de santé prépayées), les prix libérés de l'alimentation, du logement.
Par exemple, le prix moyen d'un billet de bus dans l'agglomération de Buenos Aires a été multiplié par près de 4 en deux mois, passant de 85 à 300 pesos (9 à 30 centimes de franc). Celui du métro passera d'ici à mai de 125 à 667 pesos.
Ces montants sont dérisoires, mais très importants pour les bas revenus, à l'image d'un salaire minimal tardivement haussé de 15% en février, à 180'000 pesos (190 francs), quand depuis la dernière réévaluation de ce salaire, l'inflation aura pris plus de 50% (254% sur l'année).
«Je sais à présent ce que c'est que marcher. J'ai arrêté de prendre certains bus. Cela me revenait à 26'000 pesos par mois, au lieu de 12'000 avant», gémit Yanina Salto dans une des interminables files d'attente aux bus mercredi, bus dont elle dépend pour ses emplois de femme de ménage, à 2500 pesos l'heure.
«Cela va mal finir»
Le plus grand syndicat, la CGT (péroniste, gauche), et le président ultralibéral sont au moins d'accord sur un point: «Le moment le plus dur sera entre mars et avril», a estimé M. Milei cette semaine, à cause de l'effet cumulatif de l'austérité, une stagnation de l'activité et le coût des fournitures et frais de scolarité à la rentrée d'automne austral.
Mais pour Javier Milei, «une fois touché le fond, on va rebondir». Le ministère de l'économie prédit de pouvoir lever, à la mi-2024, un contrôle des changes qui pèse sur les Argentins depuis 2019.
Pour la CGT par contre, «la conflictualité sociale va aller en augmentant. Et, malheureusement, cela va mal finir», a grondé mardi Pablo Moyano, codirigeant du syndicat déjà organisateur à la fin janvier d'une grève générale (assez peu suivie) et de manifestations dans tout le pays (très suivies). Il annonce une nouvelle mobilisation d'ampleur nationale.
Milei défie encore
L'image de Javier Milei envoie des signaux contradictoires. Selon des sondages récents, elle commence à se dégrader, lentement, à un peu moins de 50% d'opinions positives. Mais paradoxalement, et pour la première fois depuis longtemps, une majorité (46% contre 41%) s'attend à voir la situation économique s'améliorer sur les deux prochaines années.
Un indice parmi d'autres: le taux de change parallèle du dollar, habituel thermomètre de l'anxiété économique des Argentins, reste stable depuis des semaines, autour de 1100 pesos pour un dollar, loin encore mais plus sur une autre planète par rapport au taux officiel (882 pour un dollar).
Reste la «refondation» libérale, le train de réformes dérégulatrices tous azimuts de M. Milei, récemment retoquée au Parlement où le parti du président est très minoritaire. Le projet reviendra, sans doute en tranches.
Le «président indéchiffrable» continue de défier establishment et politique classique avec son hyperactivité sur les réseaux sociaux «sa communication idéologique, conflictuelle [...] sans chercher d'accords, sans générer de majorité, sans calculer le coût, comme une expérience inédite à ciel ouvert», résume le quotidien La Nacion (conservateur, plutôt critique).