Confronté à une mobilisation populaire sans précédent, le gouvernement libanais a annoncé lundi l'adoption d'une série de réformes. Mais sa tâche s'annonce ardue tant la colère est grande contre une classe politique qui a laissé couler le pays.
Ces mesures ont été annoncées à l'issue d'une réunion extraordinaire du gouvernement, alors qu'un mouvement de contestation déclenché jeudi gagne chaque jour de l'ampleur. Les manifestants réclament en priorité le départ de l'ensemble de la classe politique, jugée corrompue et incapable de trouver des solutions à la crise économique et sociale qui mine le pays.
«J'ai donné un délai aux partenaires au sein du gouvernement pour mettre en marche un minimum de mesures essentielles et nécessaires», a affirmé le Premier ministre libanais Rafic Hariri au cours d'une conférence de presse, quelques heures avant l'expiration d'un ultimatum de 72 heures qu'il avait fixé aux membres de son gouvernement pour approuver son plan.
Il a notamment promis un «budget 2020 sans impôts supplémentaires pour la population» qui ira de pair avec un déficit de 0,6% du PIB. Il a aussi annoncé une baisse de 50% des salaires du président et des ex-présidents, des ministres et des députés, ainsi que de nouvelles taxes sur les banques.
M. Hariri a assuré soutenir la demande des manifestants d'élections anticipées. «Votre voix est entendue, et si vous réclamez des élections anticipées (...) moi Saad Hariri je suis personnellement avec vous». Les dernières législatives ont eu lieu en mai 2018.
«C'est du mensonge»
Retransmises en direct par haut-parleurs sur les lieux des rassemblements géants du centre-ville de Beyrouth, les annonces de M. Hariri ont été accueillies par les manifestants aux cris de «Révolution, révolution» et «le peuple veut la chute du régime», les slogans phares de la contestation.
«Mensonge, c'est du mensonge», s'exclamait Chantal, une manifestante de 40 ans, un drapeau libanais dessiné sur son visage. Selon, elle l'annonce de M. Hariri «c'est de la poudre aux yeux». «Qui peut garantir que ces réformes seront appliquées?»
S'adressant aux manifestants, le Premier ministre a fait profil bas. «Ces décisions n'ont pas été prises pour vous demander de cesser de manifester ou d'exprimer votre colère», a-t-il dit, ajoutant: «c'est vous qui déciderez de le faire, personne ne vous impose de délai».
M. Hariri a aussi salué un mouvement qui a «cassé toutes les barrières, fait bouger tous les partis et tous les dirigeants, et qui a surtout brisé la barrière du confessionnalisme aveugle».
Routes coupées
Lundi matin, des manifestants ont coupé de nombreuses routes à travers le pays pour empêcher les employés d'aller au travail, tandis que les appels à descendre dans la rue se multipliaient sur les réseaux sociaux. Banques, universités et écoles sont restées fermées, paralysant à nouveau le pays.
Dimanche, ils étaient des centaines de milliers dans les rues de tout le pays, du sud à majorité chiite aux villes chrétiennes ou druzes de l'est. Dans une ambiance festive, le centre de Beyrouth est resté noir de monde jusque tard dans la nuit.
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