«Cible légitime»Comment l'Iran pourrait-il riposter aux frappes américaines?
ATS
23.6.2025 - 18:10
L'Iran a promis de riposter aux frappes américaines sur ses installations nucléaires. Il dispose pour cela de deux principales options: attaquer des bases militaires américaines et bloquer le détroit stratégique d'Ormuz.
De la fumée s'élève pour la deuxième journée consécutive du dépôt pétrolier de Shahran, au nord-ouest de Téhéran, le 16 juin 2025.
Keystone-SDA
23.06.2025, 18:10
ATS
Un conseiller du guide suprême iranien a averti dimanche que toute base américaine dans la région prenant part à des attaques est «considérée comme une cible légitime».
La perturbation du trafic dans le détroit d'Ormuz, une route vitale pour le pétrole et le gaz du Moyen-Orient, provoquerait une flambée des prix de l'énergie et un choc inflationniste à l'échelle mondiale. La fermeture de ce passage serait «extrêmement dangereuse», a prévenu lundi la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas.
Le détroit d'Ormuz
L'étroite voie maritime entre l'Iran et la péninsule arabique permet d'acheminer les hydrocarbures du Golfe vers les marchés mondiaux, soit un cinquième des exportations mondiales de pétrole et de gaz naturel liquéfié.
La fermeture de ce canal d'environ 50 kilomètres pourrait faire grimper le cours du pétrole à 120 dollars le baril, selon une étude de la Deutsche Bank, provoquant une flambée des prix des transports, des denrées alimentaires et des services dans le monde entier.
«Il est dans l'intérêt de tous les pays du Moyen-Orient de maintenir le détroit d'Ormuz ouvert et d'empêcher toute perturbation de l'approvisionnement», a écrit la semaine dernière Lu Ming Pang, analyste principal chez Rystad Energy.
Pour l'heure, les négociants ne semblent pas trop inquiets. Le prix du Brent s'échangeait à 76 dollars lundi, sans grand changement par rapport à la clôture de vendredi. «En regardant le prix du pétrole ce matin, il est clair que le marché du pétrole n'assigne pas une très grande probabilité» à ce scénario, affirme Bjarne Schieldrop, analyste de la banque SEB.
La question est de savoir si l'Iran est prêt à faire exploser cette grenade économique, une menace qu'il a souvent brandie dans le passé sans jamais retirer la goupille.
Selon un haut responsable européen, les Iraniens n'ont pas les moyens de bloquer le détroit d'Ormuz «à long terme». Ils pourraient entraver la navigation, mais cela s'apparenterait à un «suicide», ajoute-t-il. «L'effet sur Israël serait proche de zéro, l'effet sur eux-mêmes serait immense, ainsi que sur les Etats-Unis, l'Europe et la Chine», souligne-t-il.
Les forces iraniennes disposent de près de 200 patrouilleurs pouvant tirer des missiles antinavires ou des torpilles, ainsi que de navires poseurs de mines, d'après l'Institut international d'études stratégiques.
Mais la cinquième flotte américaine, une force navale majeure, est stationnée de l'autre côté du Golfe, à Bahreïn, et l'Iran reste quotidiennement sous le feu des avions israéliens.
Les exportations d'hydrocarbures de l'Iran, malgré les sanctions, restent aussi une source de revenus essentielle pour le neuvième plus grand producteur de brut au monde.
Avec des bases militaires américaines réparties un peu partout dans la région, les cibles potentielles ne manquent pas. Héritage de la guerre du Golfe de 1990, le Koweït abrite environ 13'500 soldats américains, tandis que le Qatar accueille la plus grande base de la région, celle d'Al-Udeid.
La cinquième flotte américaine, qui patrouille dans le Golfe, la mer Rouge et une partie de l'océan Indien, est basée quant à elle à Bahreïn, et près de 3500 membres de personnel américain sont stationnés à la base aérienne d'Al-Dhafra, aux Emirats arabes unis.
Les Etats-Unis disposent aussi de troupes dans diverses installations en Irak, y compris les bases aériennes d'Al-Asad et d'Erbil, ainsi qu'en Syrie, où ils maintiennent depuis des années des présences militaires.
La République islamique pourrait chercher à viser, du moins dans un premier temps, les intérêts américains dans la région, affirme Renad Mansour, chercheur principal à Chatham House. Car «l'attaque américaine contre l'Iran signifie que la guerre se déroule entre Israël, les Etats-Unis et l'Iran».
Mais cette option comporte aussi des risques pour la République islamique. «Il est peu probable que Téhéran frappe les Etats arabes du Golfe», estime Andreas Krieg, maître de conférences au King's College de Londres.
«Même s'il considère les Emirats arabes unis et l'Arabie saoudite comme des soutiens discrets de l'axe américano-israélien, l'Iran comprend que toute attaque sur leur sol pourrait les liguer contre lui et ouvrir la porte à davantage de présence militaire américaine» dans la région.
Pour faire pression sur les Etats du Golfe, la République islamique pourrait plutôt «utiliser ses mandataires régionaux (...) ou mener des opérations de cyberattaques ou de renseignement visant leurs intérêts», lui laissant toujours la possibilité de nier son implication, estime ce spécialiste du Moyen-Orient.