«Ingéniosité considérable»Comment Poutine se joue des sanctions européennes
ATS
2.10.2024 - 07:54
L'Union européenne a déjà lancé 14 «paquets» de sanctions contre la Russie depuis son invasion de l'Ukraine en 2022. Mais ces mesures censées affaiblir la machine de guerre du Kremlin se heurtent à l'«ingéniosité» des Russes pour les contourner.
02.10.2024, 07:54
02.10.2024, 09:09
ATS
La croissance russe est, certes, en baisse, mais toujours au-dessus des 4%, preuve, selon le Kremlin, que les sanctions occidentales ne fonctionnent pas. Le gouvernement russe a d'ailleurs annoncé lundi un budget de la défense en hausse de 30% pour l'an prochain.
«Les sanctions ne sont efficaces que lorsque la coalition qui en est à l'origine est suffisamment grande», explique Guntram Wolff, chercheur auprès de l'institut Bruegel et professeur d'économie à l'université libre de Bruxelles. Or, on est loin du compte. Avec la Chine, l'Inde ou d'autres pays dits du «sud global» en dehors de l'équation, il devient «très difficile» de prendre des sanctions efficaces, a-t-il souligné dans un entretien avec l'AFP.
«Ingéniosité»
Les pays occidentaux ont décidé d'interdire leurs exportations vers la Russie de produits technologiques pouvant servir à la fabrication d'armes, comme les microprocesseurs. Mais, très vite, ces sanctions ont été contournées par la Russie grâce à la complicité de pays tiers, comme la Chine, la Turquie, les Emirats arabes unis et plusieurs pays d'Asie centrale comme le Kazaksthan.
«L'ingéniosité» déployée par les Russes pour s'approvisionner est «considérable», a récemment reconnu David O'Sullivan, l'envoyé spécial de l'UE pour les sanctions.
Les exportations européennes à destination de la Turquie ont par exemple augmenté de 38% entre le troisième trimestre 2021 et le troisième trimestre 2023, selon une étude récente de l'institut Jacques Delors sur l'efficacité des sanctions de l'UE. Et, surtout, les exportations turques vers la Russie ont bondi de 72% au cours de la même période.
L'UE s'est, jusqu'à présent, refusée à «punir» les pays coupables, préférant agir par voie diplomatique. «Je dois dire que je préfère toujours que les pays tiers avec lesquels nous sommes en relation trouvent leur propre solution», a expliqué M. O'Sullivan, au grand dam de l'Ukraine.
Appel de Kiev
«J'ai bien peur que, quelquefois, la diplomatie ne suffise pas. Des mesures plus dures doivent aussi être prises», a jugé la semaine dernière à Bruxelles Vladyslav Vlasiuk, conseiller du président ukrainien pour les sanctions. Il en a profité pour présenter aux responsables européens et au grand public quelques exemples de technologies «made in Europe» retrouvées dans les débris d'obus ou de roquettes russes sur le champ de bataille.
Les Européens ont cherché la parade, en imposant un certain nombre de contraintes aux entreprises européennes fabriquant des produits sensibles ou susceptibles d'être utiles à l'industrie d'armement russe. Une clause interdisant par exemple toute réexportation vers la Russie du «savoir-faire» de l'entreprise a été imposée.
Mais la mise en oeuvre de ces mesures est loin d'être simple. «A un certain moment, vous perdez le contrôle sur le produit que vous vendez. C'est la nature même du modèle de fonctionnement de l'entreprise et nous devons l'accepter», a reconnu M. Sullivan.
Les Européens veulent ainsi étendre aux filiales la clause interdisant toute réexportation vers la Russie, mais «soyons honnêtes, il y a de la résistance» de la part des entreprises, a-t-il reconnu.
Menace de sanctions
«Les entreprises européennes sont engagées dans la mise en oeuvre des sanctions et dans la lutte contre leur contournement. Mais pour cela, elles ont besoin d'une direction claire et appropriée», remarque BusinessEurope, le lobby des entreprises à Bruxelles, interrogé par l'AFP.
Celle-ci passe par la menace claire de sanctions financières si les entreprises ne jouent pas le jeu, estime ainsi Guntram Wolff, également co-auteur d'un rapport de l'institut Bruegel sur les moyens d'améliorer l'efficacité des sanctions contre la Russie. Il suggère également de s'inspirer de «la législation très stricte imposée au système financier pour lutter contre le blanchiment d'argent ou le terrorisme».
La finance internationale a été contrainte de mettre en place des procédures de suivi et de contrôle efficaces, qui ont, «dans une certaine mesure, réduit» cette criminalité, a-t-il assuré.
Les sanctions ne sont certes pas efficaces à 100%, mais elles ont le mérite de rendre «plus difficile, plus longue et plus chère» toute acquisition par la Russie de produits nécessaires à son industrie d'armement, a résumé David O'Sullivan.
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