La justice pakistanaise a annulé lundi la condamnation à mort par contumace de l'ex-président et général Pervez Musharraf exilé à Dubaï. Elle a argué que la cour spéciale qui l'avait déclaré coupable de trahison était inconstitutionnelle.
«Le dépôt de la plainte, la constitution du tribunal, la sélection de l'équipe de l'accusation sont illégaux. (...) Le jugement complet a été annulé», a déclaré à l'AFP le procureur Ishtiaq A Khan, qui défendait le gouvernement pakistanais devant la Haute cour de Lahore (Est).
«Oui, c'est un homme libre. Il n'y a à ce moment plus aucune condamnation en vigueur à son égard» dans cette affaire, a ajouté le procureur. Azhar Siddique, un avocat de l'ex-général, a confirmé à des journalistes devant ce tribunal que la justice avait «tout annulé».
Nouvelles poursuites incertaines
Le parquet peut maintenant choisir de poursuivre à nouveau l'ancien chef de l'Etat, encore accusé dans plusieurs autres affaires, avec l'aval du gouvernement pakistanais.
Mais Saroop Ijaz, un avocat expérimenté de Lahore qui n'est pas impliqué dans l'affaire, a déclaré douter, à moins que la Haute cour ne l'ordonne dans son verdict détaillé, qu'une nouvelle action en justice soit lancée.
La plainte avait initialement été formulée par l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif, très véhément face à l'armée, a-t-il souligné, et non par l'actuel gouvernement d'Imran Khan, dont «les visées politiques sont absolument claires – ils ne veulent pas poursuivre cette affaire».
«Haute trahison»
Le 17 décembre dernier, un tribunal spécial avait condamné Pervez Musharraf à la peine de mort par contumace pour «haute trahison» pour avoir instauré l'état d'urgence dans le pays en 2007.
Si l'actuel Premier ministre Imran Khan avait alors appelé à la résistance contre l'état d'urgence, l'opposition l'accuse d'avoir plus récemment bénéficié d'un soutien des militaires, qui lui auraient permis de remporter les législatives de 2018 et d'accéder au pouvoir.
L'annulation de la condamnation à mort est «un pas en avant vers (...) la suprématie de la loi», a réagi la ministre de l'Information Firdous Ashiq Awan lors d'un point presse. «Cette décision apportera de la stabilité au Pakistan», a-t-elle poursuivi.
Coup d'Etat en 1999
En exil à Dubaï, l'ancien général avait lui dénoncé une «vendetta personnelle». Il était apparu dans une vidéo depuis un lit d'hôpital, l'air frêle et peinant à parler.
Personnage central de la vie politique pakistanaise, Pervez Musharraf était parvenu au pouvoir par un coup d'Etat sans effusion de sang en octobre 1999, en écartant du pouvoir le Premier ministre Nawaz Sharif, avant de s'autoproclamer président en juin 2001 et de remporter en avril 2002 un référendum controversé.
Fumeur de cigares et buveur de whisky, vu comme un modéré, il était devenu un allié clé des Etats-Unis dans la «guerre contre le terrorisme» après les attentats du 11 septembre 2001. Il a échappé à au moins trois tentatives d'assassinat d'Al-Qaïda au cours de ses neuf années de mandat.
Il n'avait guère rencontré d'opposition jusqu'à ce qu'il tente de démettre le président de la Cour suprême en mars 2007, déclenchant des manifestations dans tout le pays et des mois de troubles qui avaient débouché sur l'imposition de l'état d'urgence.
Bref exil
Il avait finalement dû démissionner en août 2008 face à la menace d'une procédure de destitution initiée par une nouvelle majorité de coalition, et s'était brièvement exilé. Il était revenu au Pakistan en 2013, mais avait été empêché de prendre part aux élections. Une série de poursuites en justice l'avaient également empêché de quitter le pays.
L'interdiction avait finalement été levée en 2016, et il avait rejoint Dubaï pour des traitements médicaux. Il y vit toujours.
En août 2017, la justice pakistanaise l'a déclaré «fugitif» dans le procès du meurtre de l'ex-Première ministre Benazir Bhutto, sa rivale politique, pour lequel il demeure le seul suspect.
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