Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a reconnu lundi pour la première fois l'existence de contacts avec les groupes djihadistes. Il les a justifiés par la nécessité d'explorer les voies d'une sortie de crise après huit années de guerre sans issue rapide en vue.
Le nombre des morts au Sahel «devient exponentiel et je crois qu'il est temps que certaines voies soient explorées», a déclaré M. Keïta dans un entretien avec France 24 et Radio France Internationale (RFI).
Il rompt ainsi avec le rejet jusqu'alors affirmé de tout dialogue avec ceux que le gouvernement appelle «terroristes», à commencer par le prédicateur radical peul Amadou Koufa, chef de la katiba Macina qui sévit depuis 2015 dans le centre, et le chef de guerre touareg Iyad Ag Ghali.
«Discours de raison»
Un tel dialogue, en particulier avec la katiba Macina, affiliée au Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, s'est longtemps heurté aux résistances d'élites maliennes et de puissances étrangères.
Mais fin janvier, le haut représentant du président pour le centre du Mali, Dioncounda Traoré, avait indiqué avoir «personnellement envoyé des émissaires en direction d'Amadou Koufa et Iyad ag Ghali.
Dioncounda Traoré «est en mission pour moi» et il «a le devoir d'écouter tout le monde», a dit le président Keïta. Il s'agit de déterminer si certains dans l'entourage des chefs peuvent être «sensibles à un discours de raison», a-t-il ajouté.
Millier de morts
Le Mali est confronté depuis 2012 aux insurrections indépendantistes, salafistes et djihadistes et aux violences intercommunautaires qui ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés. La crise s'est propagée au Burkina Faso et au Niger voisins.
Plus de 450 civils ont été tués l'an dernier dans le centre du Mali, selon l'ONG Human Rights Watch. C'est sans compter les soldats et gendarmes abattus par dizaines. Un gendarme, selon le gouvernement, a encore trouvé la mort dans la nuit de dimanche à lundi dans une attaque revendiquée par le GSIM, qui fait état, lui, de quatre gendarmes tués.
La force antidjihadiste française Barkhane vient d'annoncer son passage de 4500 à 5100 hommes d'ici fin février. Mais les Etats-Unis, qui fournissent un soutien primordial, cherchent quant à eux à réduire leur engagement, source d'inquiétude à Bamako et Paris.
Combattre les groupes djihadistes et dialoguer avec eux n'est «pas antinomique», a dit le président malien, en invoquant les cas de figure algérien et afghan. Il a assuré procéder «sans aucune grande naïveté». Pour l'heure, il attend toujours une réponse à sa démarche.
Retour à Kidal
La riposte strictement militaire ne suffira pas à sortir le Mali de la spirale des violences, sans rétablir la souveraineté de l'Etat, ni mener une action politique, conviennent le gouvernement et ses partenaires étrangers.
Dans cette optique, l'armée malienne a entamé lundi son déploiement vers Kidal (nord) afin de reprendre le contrôle de cette ville symbole. Le retour de l'armée à Kidal, aujourd'hui sous le contrôle d'ex-rebelles touareg, est anticipé comme une affirmation forte d'un rétablissement de l'autorité de l'Etat, qui ne s'exerce plus sur de larges pans du territoire.
Ce sont environ 200 hommes qui se sont mis en route pour Kidal, avec le soutien de Barkahne et la mission de l'ONU (Minusma), ont indiqué des officiers sous le couvert de l'anonymat. Le temps de rallier la ville par la piste à partir de Gao, environ 200 km plus au sud, le détachement devrait «en principe» arriver à destination vendredi.
La situation de Kidal est source de fortes crispations. Les voisins du Mali y soupçonnent ou y dénoncent des alliances entre séparatistes et djihadistes. Kidal nourrit aussi un discours contre la présence française en raison du rôle que la France est accusée par certains d'y jouer.
Symboliquement, les unités qui vont entrer dans Kidal intègrent d'anciens rebelles. Ce retour est censé préluder au déploiement d'autres unités du même type à Ménaka, Gao et Tombouctou.
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