La Commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU sur la Syrie demande la suspension des sanctions économiques qui affectent directement la population. Mercredi à Genève, elle a dénoncé de possibles crimes de guerre de groupes armés à Afrine.
La situation sécuritaire a continué à favoriser un environnement pour les violations des droits de l'homme dans la région autour de cette ville contrôlée par ces groupes ou des entités criminelles. Des crimes de guerre d'enlèvements et de torture ont été observés ces derniers mois, relèvent les enquêteurs dans un nouveau rapport. Des indications sur des pillages de sites culturels ont aussi été reçues et font l'objet de vérifications.
Les victimes d'enlèvements «étaient souvent kurdes» ou des personnes considérées comme riches qui pouvaient être extorquées. Parmi elles, deux hommes et un enfant handicapé ont été enlevés en mai dernier alors qu'ils se trouvaient entre Afrine et une autre ville.
Le corps d'un des deux hommes a été retrouvé avec des signes de torture au bout de quelques jours. Une compensation financière a été demandée pour les deux autres personnes qui seront retrouvées décédées et victimes de mauvais traitements plus d'un mois et demi plus tard.
Appel à la coalition
D'autres personnes qui sont rentrées à Afrine ont vu leurs propriétés expropriées par les groupes armés. Certaines ont dû payer pour récupérer leurs biens. Tous ceux qui sont considérés comme opposés aux groupes armés sont ciblés.
Dans son rapport, si elle dénonce des actes équivalents à des crimes de guerre, la commission n'utilise ce terme que pour Afrine. Bien moins que dans la plupart de ses précédentes conclusions. «Nous ne déclassons pas le niveau de crimes perpétrés dans le conflit», a dit devant la presse le président de l'instance Paulo Sergio Pinheiro. Les enquêteurs ne cherchent pas à être «plus acceptables» par les parties au conflit.
Parmi ses recommandations, la commission demande à la coalition menée par les Etats-Unis en soutien aux Forces démocratiques syriennes (FDS) de mener des investigations et de publier les conclusions sur ses offensives dans l'est du pays. Certaines villes et certains villages ont été quasiment détruits entièrement dans les raids contre les derniers bastions de l'Etat islamique (EI).
Cette situation a provoqué le déplacement de dizaines de milliers de personnes vers le camp d'al-Hol où celles-ci restent dans des conditions «déplorables» et «inhumaines», selon M. Pinheiro, depuis plusieurs mois. Au moins 390 décès d'enfants dans ce site, en raison de la malnutrition ou de blessures qui n'ont pas été soignées, auraient pu être évités.
Inquiets sur des milliers d'enfants
Plus de 3500 autres à al-Hol pourraient être apatrides, comme ils ne sont pas enregistrés, ou risquent d'être séparés de leurs parents lorsque d'autres Etats souhaitent seulement rapatrier de Syrie leurs ressortissants mineurs. «Vous savez» qui sont ces pays, dit M. Pinheiro sans les nommer.
La commission répète son inquiétude pour cette situation et celle de nombreux enfants de plus de 12 ans détenus au secret par les Kurdes dans cette région. «Où sont ces enfants ?«, demande son président.
Le gouvernement est lui prié de protéger les personnes qui reviennent dans les zones qu'il contrôle. Il lui est reproché des arrestations et des détentions arbitraires perpétrées ces derniers mois. Dans la région d'Idleb, où plus de 1000 victimes civiles ont été observées dans les raids entre forces gouvernementales et groupes armés depuis avril, un homme a été tué dans la nuit de mardi à mercredi dans un raid de l'aviation russe.
Il est le premier depuis l'annonce le 31 août d'un cessez-le-feu dans cette zone. Un an après l'accord entre Russie et Turquie sur des zones tampons à Idleb, qui n'a pas mis un terme aux violences, les parties doivent protéger les civils, a insisté un autre membre de la commission, Hanny Megally.
Plus largement, la commission affirme encore avoir voulu établir des recommandations pragmatiques pour une protection urgente de la population, marquée par près de neuf ans de guerre. Elle demande notamment la suspension des sanctions qui affectent directement les Syriens. «La communauté internationale dans son ensemble partage la responsabilité» des nombreux crimes dans ce pays, estime-t-elle.
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