«Conflit armé interne» Crise sécuritaire sans précédent en Equateur

hl

10.1.2024 - 09:20

Le président de l'Equateur Daniel Noboa a déclaré mardi son pays en état de «conflit armé interne» et ordonné la «neutralisation» des groupes criminels impliqués dans le narcotrafic. Cela au 3e jour d'une crise sécuritaire sans précédent qui a fait au moins 10 morts.

Le président Noboa a reconnu "l'existence d'un conflit armé interne" et ordonné "la mobilisation et l'intervention des forces armées et de la police pour garantir la souveraineté et l'intégrité nationale contre le crime organisé, les organisations terroristes et les belligérants non étatiques".
Le président Noboa a reconnu "l'existence d'un conflit armé interne" et ordonné "la mobilisation et l'intervention des forces armées et de la police pour garantir la souveraineté et l'intégrité nationale contre le crime organisé, les organisations terroristes et les belligérants non étatiques".
ATS

Keystone-SDA, hl

Dans un décret signé dans l'après-midi, le président Noboa a reconnu «l'existence d'un conflit armé interne» et ordonné «la mobilisation et l'intervention des forces armées et de la police nationale [...] pour garantir la souveraineté et l'intégrité nationale contre le crime organisé, les organisations terroristes et les belligérants non étatiques».

Après avoir déjà décrété l'état d'urgence lundi, M. Noboa, 36 ans, plus jeune président de l'histoire de l'Equateur, a ordonné cette fois la «neutralisation» de tous ces groupes criminels, dont il a fourni une liste exhaustive, tout en soulignant la nécessité pour les forces armées d'agir «dans le respect des droits humains».

Evasions

Ces bandes criminelles, pour la plupart de simples gangs de rues il y a encore quelques années, sont devenus les acteurs sanglants du trafic de drogue aux tentacules internationales, à mesure que l'Equateur s'est converti en principal point d'exportation de la cocaïne produite au Pérou et en Colombie voisines. Autrefois un havre de paix, le pays est aujourd'hui ravagé par la violence de ces gangs.

Ennemi public numéro 1, le chef des Choneros, l'un de ces gangs comptant 8000 hommes, selon les experts, Adolfo Macias, alias «Fito», s'est volatilisé dimanche de la prison de Guayaquil. Mardi, un des chefs de Los Lobos, autre puissant gang de narcotrafiquants, s'est lui aussi évadé.

Etat d'urgence au Pérou

Le Pérou voisin a par ailleurs annoncé mardi soir avoir déclenché l'état d'urgence dans l'ensemble des régions frontalières de l'Equateur, longue de plus de 1400 kilomètres, et qu'il va renforcer la surveillance en envoyant des effectifs policiers et militaires supplémentaires.

De son côté, la Chine a interrompu mercredi les activités consulaires de son ambassade en Equateur ainsi que celles de son consulat. «La réouverture au public sera annoncée en temps voulu», précise l'ambassade dans un communiqué en espagnol publié sur le réseau social chinois WeChat.

Prise d'otages

Dernier et spectaculaire épisode, des hommes armés ont fait irruption mardi après-midi sur le plateau d'une télévision publique à Guayaquil, prenant brièvement en otage journalistes et autres employés de la chaîne.

Au milieu des coups de feu, la diffusion de ces images surréalistes s'est poursuivie en direct pendant de longues minutes. Jusqu'à apparemment l'intervention des forces de l'ordre aux cris de «Police! Police!». Personne n'a, semble-t-il, été tué ou blessé dans le raid et 13 assaillants ont été interpellés, a constaté l'AFP.

«Ce sont des jours extrêmement difficiles», l'exécutif ayant pris «la décision importante de lutter de front contre ces menaces terroristes», a reconnu mardi le secrétaire à la communication de la présidence, Roberto Izurieta.

L'évasion de «Fito» a été suivie de plusieurs mutineries et de prises en otage de gardiens dans diverses prisons, le tout relayé par d'effrayantes vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrant les captifs menacés par les couteaux de détenus masqués. Mardi, de nouvelles vidéos sont apparues, montrant cette fois l'exécution d'au moins deux gardiens, par arme à feu et pendaison.

Scènes de panique

Dans un communiqué, l'administration pénitentiaire (SNAI) a fait état de 139 de ses personnels actuellement toujours retenus en otage dans cinq prisons du pays. Le SNAI n'a pas commenté les vidéos d'exécution.

L'état d'urgence décrété lundi par M. Noboa s'étend à tout le territoire et pendant 60 jours. L'armée est ainsi autorisée à assurer le maintien de l'ordre dans les rues (avec un couvre-feu nocturne) et les prisons.

Il reste manifestement sans grand effet jusqu'à présent: de très nombreux incidents, dont l'enlèvement de sept policiers, ont également été signalés un peu partout dans le pays.

Impression de chaos

Dans la ville portuaire de Guayaquil, où les groupes criminels sont tout puissants, le chef de la police a indiqué que les violences ont fait huit morts et trois blessés. Deux policiers ont également été «vicieusement assassinés par des criminels armés» dans la ville de Nobol, près de Guayaquil.

Les images diffusées sur les réseaux sociaux, difficiles à vérifier, donnent une idée de ces violences et alimentent l'impression d'un chaos qui s'installe progressivement dans certaines localités du pays: attaques au cocktail Molotov, voitures incendiées, tirs au hasard sur des policiers, scènes de panique...

Dans le grand port de Guayaquil, plongé dans la psychose, de nombreux établissements hôteliers et restaurants ont fermé, tandis que des véhicules de l'armée patrouillent dans les rues, a-t-on constaté. Dans la capitale Quito, gagnée par la peur, magasins et centres commerciaux fermaient également prématurément.

Dans la soirée, le ministère de l'Education a ordonné la fermeture provisoire de toutes les écoles du pays.

Washington préoccupée

Le chef de la diplomatie américaine pour l'Amérique latine, Brian Nichols, a dit les Etats-unis «extrêmement préoccupés par la violence» et être «en contact étroit avec le président (Daniel) Noboa et le gouvernement équatorien (...) prêts à fournir de l'assistance».

Le Brésil, le Chili, la Colombie et le Pérou ont exprimé leur soutien à l'Equateur, disant leur rejet de la violence.