Départ de Lam Un Hong Kong plus inégalitaire et moins libre

ATS

6.5.2022 - 08:10

Hong Kong est plus inégalitaire, moins libre et a perdu de son aura internationale au cours des cinq ans de gouvernance de Carrie Lam, selon des analystes. Son mandat tumultueux prend fin en juin.

Le bilan de Carrie Lam est marqué par les immenses manifestations pro-démocratie en 2019, suivi d'une vaste répression de Pékin et une politique zéro Covid qui a isolé ce centre d'affaires international. (archives)
Le bilan de Carrie Lam est marqué par les immenses manifestations pro-démocratie en 2019, suivi d'une vaste répression de Pékin et une politique zéro Covid qui a isolé ce centre d'affaires international. (archives)
KEYSTONE/AP/Vincent Yu

En devenant cheffe de l'exécutif en 2017, Mme Lam s'était engagée à s'occuper des conditions de vie des habitants et plus particulièrement de la crise du logement. Mais son bilan est tout autre, marqué par les immenses manifestations pro-démocratie en 2019, suivi d'une vaste répression de Pékin et une politique zéro Covid qui a isolé ce centre d'affaires international.

A 64 ans, elle quittera ses fonctions fin juin, avec le taux de popularité le plus bas jamais enregistré par un dirigeant depuis un quart de siècle. Si elle peut se prévaloir d'avoir mis fin au mouvement de contestation, beaucoup lui reprochent de ne pas avoir amélioré la qualité de vie des habitants, ce qui, de l'aveu même des dirigeants chinois, reste au coeur des «conflits sociaux profondément enracinés» de la ville.

25% sous le seuil de pauvreté

L'an dernier, 1,65 million d'Hongkongais, soit près d'un quart de la population, vivaient sous le seuil de pauvreté que le gouvernement a fixé à 4400 dollars hongkongais (552 francs) par mois pour une personne. Jamais depuis le début des statistiques officielles, il y a 12 ans, la pauvreté n'avait été aussi répandue.

«Les citoyens de base ont été très négligés», estime Sze Lai-shan, directrice adjointe de la société pour l'organisation communautaire, qui a «parfois l'impression que [le gouvernement, ndlr] vit sur une autre planète».

Les personnalités de l'élite politique semblent partager le même sentiment. «Vous pouvez dire que [Mme Lam] a travaillé très dur, mais peu de choses ont été réalisées pour résoudre le problème des conditions de vie qui se détériorent et les conflits profondément enracinés à Hong Kong», souligne Lau Siu-kai, haut conseiller de Pékin, lors d'un entretien avec l'AFP.

Aucun dirigeant n'a résolu la crise du logement depuis la rétrocession de l'ex-colonie britannique à la Chine en 1997.

Exode sans précédent

La ville doit «dire adieu» aux logements minuscules dans lesquels vivent quelque 220'000 habitants, a exhorté en juillet dans un discours, Xia Baolong, haut fonctionnaire chinois chargé de la politique à Hong Kong, traduisant l'impatience croissante de Pékin face à la crise du logement.

Sur ce marché immobilier parmi les plus chers au monde, les prix n'ont pas cessé d'augmenter depuis 13 ans. Mme Lam a augmenté le nombre de logements sociaux, mais le temps d'attente reste de six ans.

Selon Chan Kim-ching, chercheur en aménagement du territoire à la Liber Research Community, la dirigeante a fait de «l'accession à la propriété sa priorité, ce qui a exacerbé l'inégalité des richesses». «Les politiques [de Mme Lam] ne visent pas ceux qui en ont le plus besoin», argue-t-il.

Les deux dernières années du mandat de Mme Lam ont également été marquées par un exode sans précédent, les habitants fuyant soit la répression politique, soit des mesures contre la pandémie de Covid-19 parmi les plus strictes au monde.

«La chute de Hong Kong»

Le nombre de départs s'est accru cette année, avec le chaos provoqué par le variant Omicron, qui a fait 9000 morts. Au cours du premier trimestre, la ville de 7 millions d'habitants a enregistré un solde migratoire négatif de 160'000 personnes. Mme Lam a récemment reconnu que les restrictions ont entraîné une fuite des cerveaux au sein des entreprises étrangères.

La reprise en main du territoire par Pékin pour remodeler le paysage politique de Hong Kong avait déjà entraîné une vague migratoire parmi les Hongkongais.

Après les manifestations de 2019, la Chine a imposé une loi drastique sur la sécurité nationale criminalisant toute dissidence. Plus de 180 personnes ont été arrêtées et la plupart des militants pro-démocratie les plus connus sont détenus ou exilés.

Hong Kong a en outre dégringolé dans le classement international de la liberté de la presse, les autorités réduisant au silence les organes de presse critiques et arrêtant des journalistes, selon Reporters sans frontières (RSF).

Frances Hui, une militante ayant obtenu l'asile aux États-Unis, qualifie Mme Lam d'"exécutrice obéissante» du programme du président chinois Xi Jinping. «Elle a accéléré la suppression des libertés», déplore-t-elle auprès de l'AFP.

Le nombre d'habitants choisissant de vivre en Grande-Bretagne, au Canada et aux États-Unis ne cesse de croître. «Je ne m'attendais pas à ce que le fait de militer me conduise à demander l'asile», lâche Mme Hui. «C'est le reflet de l'ampleur de la chute de Hong Kong».

ATS