Le gouvernement grec a à nouveau accusé lundi des migrants d'avoir «brûlé» le camp de Moria sur l'île de Lesbos. Malgré les réticences, des centaines d'exilés s'y sont installés dans un centre temporaire «sans douche ni matelas», selon des témoignages.
«Le camp (de Moria) a été brûlé par des réfugiés et migrants qui voulaient exercer un chantage sur le gouvernement afin de pouvoir être transférés rapidement de l'île» vers le continent, a déclaré Stelios Petsas, le porte-parole du gouvernement grec, lors d'un point presse à Athènes.
Dans la nuit du 8 au 9 septembre, le méga-camp de Moria, le plus grand d'Europe, ouvert il y a cinq ans au pic de la crise migratoire, a été entièrement détruit par les flammes, laissant sans abri ses 12'000 occupants qui y logeaient dans des conditions insalubres.
Enquête en cours
Si l'enquête sur l'origine du sinistre est toujours en cours, à Lesbos, des milliers de demandeurs d'asile épuisés et affamés survivent sans toit ni protection.
Beaucoup d'exilés, qui logeaient depuis des mois voire des années à Moria, refusent de se rendre dans les nouvelles installations érigées à la hâte par les autorités, craignant de ne plus pouvoir quitter l'île une fois à l'intérieur. D'autres s'y présentent, bon gré mal gré, à quelques encâblures des ruines de Moria.
«Pas le choix»
«Je n'ai pas le choix», confie Pariba, une Afghane venue remettre ses papiers après 10 mois à Moria. Avec ses tentes blanches, le nouveau camp «semble dur, avec le soleil direct et sans ombre. Mais j'y entre demain parce que je n'ai pas le choix».
A l'intérieur du camp fermé à la presse, Malik, un migrant algérien, rapporte à l'AFP par téléphone ses conditions de vie avec sa femme et ses cinq enfants, l'une des premières familles entrées samedi sous les tentes du Haut commissariat aux réfugiés (HCR).
«Il fait très chaud», soupire ce professeur de français. «Il n'y a rien dans le camp, pas de douche, pas de matelas. Il n'y a qu'un seul repas par jour, et on nous distribue un carton avec six bouteilles d'eau», raconte l'Algérien, qui dit côtoyer environ 200 réfugiés originaires d'Afghanistan, de Syrie, d'Irak et de pays africains.
Une «prison temporaire»
Pour son congénère syrien, qui conserve l'anonymat, le nouveau camp est «comme une prison temporaire». «Même la mer toute proche, c'est interdit d'y aller», confie-t-il également par téléphone. Sur les photos qu'il a transmis à l'AFP, on voit à l'intérieur des fils barbelés des groupes de migrants, certains portant le masque chirurgical, attendant dans la chaleur étouffante de la nourriture ou de l'eau.
Face au camp, situé à 3 km du port de Mytilène, le chef-lieu de l'île, quatre jeunes Somaliens, qui rêvent de France ou d'Allemagne, espèrent pourtant y être relogés, car «si on va là-bas, on est morts», lance Ahmed, 18 ans, en montrant la route où s'entassent des milliers de réfugiés sous des abris de fortune.
«Si on va là-bas, on est mort», répète-t-il, en désignant cette fois le village proche de Panagiouda et en simulant avec la main un égorgement, en référence à l'animosité des villageois exaspérés.
Incidents fréquents
Les incidents entre migrants et habitants, dont des sympathisants d'extrême droite, sont fréquents sur l'île depuis l'année dernière, les insulaires s'opposant au maintien des migrants à Lesbos.
«On veut être en sécurité. N'importe où, mais en sécurité», confie Mohammed, jeune célibataire somalien qui craint de ne pouvoir rentrer dans le camp, qui «est juste pour les familles».
Pour le porte-parole du gouvernement grec, «l'objectif est d'ici trois ou quatre jours de loger tout le monde dans le camp temporaire». «Tous ceux qui entrent dans le camp sont soumis à des tests de dépistage du Covid-19», a déclaré Stelios Petsas.
Comme l'a fait le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis la veille, il promet prochainement «un centre d'accueil et d'identification permanent» à Lesbos, dans lequel «l'Union européenne sera impliquée pour que les procédures (de demande d'asile) avancent plus rapidement».