10 crimes Des sénateurs demandent l'inculpation de Bolsonaro pour 10 crimes

ATS

20.10.2021 - 16:47

Le discours anticonfinement de Jair Bolsonaro et son déni face à la gravité du Covid-19 font partie des points sur lesquels la CPI a enquêté.
Le discours anticonfinement de Jair Bolsonaro et son déni face à la gravité du Covid-19 font partie des points sur lesquels la CPI a enquêté.
ATS

Une Commission d'enquête parlementaire (CPI) du Sénat brésilien a demandé mercredi l'inculpation du président Jair Bolsonaro pour 10 crimes «intentionnels» lors de la pandémie de Covid-19. Parmi eux, figure celui de «crime contre l'humanité».

Le rapport de la CPI sur la gestion de la pandémie qui a fait plus de 600'000 morts au Brésil a été rendu public par les grands médias au moment où son rapporteur s'apprêtait à lire le document très attendu.

«À l'issue de six mois de travaux intenses, cette Commission parlementaire a recueilli des preuves qui montrent que le gouvernement fédéral (...) a agi avec lenteur dans le combat contre la pandémie de coronavirus, exposant délibérément la population à un risque réél d'infection de masse», peut-on lire dans ce rapport de près de 1'2000 pages.

Constituée de sénateurs de diverses tendances politiques, la CPI a rendu un verdict dévastateur pour l'image du chef de l'Etat, demandant également son inculpation pour «charlatanisme» ou «prévarication». La CPI – qualifiée par Bolsonaro de «mascarade» – a été le théâtre d'auditions mouvementées, avec des témoignages émouvants et des révélations glaçantes sur des expériences sur des «cobayes humains» avec des remèdes inefficaces.

Portée symbolique

Pour les sénateurs, les crimes cités dans le rapport sont «intentionnels», le gouvernement Bolsonaro ayant délibérément décidé de ne pas prendre les mesures nécessaires pour contenir la circulation du virus.

Des accusations gravissimes, qui devraient néanmoins avoir une portée surtout symbolique pour l'heure, le président d'extrême droite bénéficiant de soutiens au Parlement à même de lui éviter l'ouverture d'une procédure de destitution. De même, le procureur général Augusto Aras, un allié de M. Bolsonaro, peut faire barrage à toute inculpation.

La CPI a également demandé l'inculpation de quatre ministres et deux ex-ministres. Les trois fils aînés du président ont aussi été ciblés par la CPI, pour «incitation au crime» par le biais de diffusion de fausses informations. «Ce rapport est un instrument de vengeance contre Bolsonaro et sa famille, c'est évident, que ni mes frères, ni moi, et encore moins le président, n'avons commis le moindre crime», a déclaré le sénateur Flavio Bolsonaro, aîné de la fratrie, peu avant la présentation du texte.

«Nous méritons des excuses»

La CPI n'a pas le pouvoir d'engager elle-même des poursuites judiciaires, mais ses révélations pourraient avoir un impact politique considérable, alors que les sondages donnent déjà Jair Bolsonaro perdant face à l'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva à un an de la présidentielle.

Le rapport sera tranmis au Parquet, seul compétent pour inculper les personnes incriminées par la CPI. Dans le cas de Jair Bolsonaro, les spécialistes jugent cette inculpation peu probable, puisqu'elle est du ressort du procureur général.

Après les auditions de plusieurs ministres, hauts fonctionnaires ou dirigeants d'hôpitaux et d'entreprises, la CPI a pris un tour plus humain lundi, avec les témoignages de familles de victimes du Covid-19. «Nous méritons des excuses de la part de la plus haute autorité de l'Etat (le président Bolsonaro). Ce n'est pas une question de politique. On parle de vies», a déclaré, au bord des larmes, le chauffeur de taxi Márcio Antônio Silva, qui a perdu son fils de 25 ans.

«Ce que nous avons vu, c'est l'antithèse de ce qu'on pouvait attendre d'un président de la République. Nous ne l'avons jamais vu verser des larmes de compassion ni exprimer ses condoléances pour le peuple brésilien en deuil», a renchéri devant la CPI Antônio Carlos Costa, président de Rio de Paz, une ONG.

«Grippette»

La CPI a enquêté sur les responsabilités du gouvernement dans la grave pénurie d'oxygène qui a causé la mort de dizaines de patients par asphyxie à Manaus (nord), le discours anticonfinement de Jair Bolsonaro et son déni face à la gravité du Covid-19, une «grippette». Le gouvernement est aussi épinglé pour des retards et des soupçons de corruption dans l'acquisition de vaccins.

La Commission s'est également penchée sur les relations entre Brasilia et des mutuelles de santé privées accusées de promouvoir le «traitement précoce», avec notamment de l'hydroxychloroquine, dont l'inefficacité a été prouvée scientifiquement. L'une d'elles, Prevent Senior, est soupçonnée d'avoir mené à l'insu de ses patients des expériences avec ce type de traitements, et d'avoir fait pression sur ses médecins pour les prescrire à des «cobayes humains».