SyrieChambres secrètes et exécutions de masse: 7 faits effroyables sur «l'abattoir humain» des Assad
Philipp Dahm/trad
10.12.2024
La prison militaire de Saidnaya s’est révélée être bien plus qu’un lieu de détention. Après la chute de Bachar el-Assad, les groupes rebelles ont pris le contrôle de l’établissement, situé à 17 kilomètres au nord de Damas, dans la nuit du 7 au 8 décembre. Ce qu’ils y ont découvert dépasse l’entendement: des chambres secrètes et des scènes qui rappellent les heures les plus sombres de l’Histoire.
Philipp Dahm/trad
10.12.2024, 21:41
Philipp Dahm
Les origines du lieu
En 1986, le dirigeant de l'époque, Hafiz al-Assad, construit une prison pour les opposants au régime, dirigée par le ministère de la Défense et la police militaire. Elle est conçue pour accueillir entre 10'000 et 20'000 prisonniers. Les civils étaient placés dans le bâtiment principal, tandis que les militaires occupaient des infrastructures annexes. Ce vaste complexe de 1400 hectares était protégé par quatre périmètres de sécurité.
Une transformation en enfer sous Assad
Après son accession au pouvoir en 2000, Bachar el-Assad n’a d’abord pas intensifié l’usage de Saidnaya. Mais tout a changé avec le début de la guerre civile en 2011. Dès 2016, des rapports ont révélé des exécutions de masse. En 2017, les États-Unis ont accusé le régime de gérer un crématorium sur place pour faire disparaître les corps. La même année, Amnesty International a qualifié l'établissement d'«abattoir humain». En 2021, des activistes estiment à 30'000 le nombre de personnes exécutées sur ce site depuis 2011.
Une libération révélant l'horreur
Lorsque les rebelles libèrent Saidnaya, la réalité dépasse les pires craintes: jusqu’à 50'000 détenus sont libérés. Le groupe des Casques blancs, aidé par d’anciens détenus, explore les lieux à l’aide de capteurs sonores et de chiens. Sous la prison, ils découvrent des chambres secrètes où des prisonniers étaient enfermés, souvent depuis des décennies, marqués par la torture et les sévices.
Efforts continue at #Saydnaya Prison, known as the "human slaughterhouse" and a symbol of tyranny in Syria, to reach detainees held in underground cells. pic.twitter.com/8Cwg6PlvmC
Les familles des disparus ont afflué vers la prison, espérant retrouver un être cher.
Most Syrians have been waiting for these scenes for years—families waiting for their loved ones who were disappeared into the most brutal and vile prisons in the world. Saydnaya Prison, the pride of Assad’s criminal dictatorship, has fallen today and forever. pic.twitter.com/1PQQPmp6uC
Parmi les survivants, on compte des hommes, des femmes, des enfants, et même des personnes âgées. Beaucoup portent les stigmates physiques et psychologiques de la torture. Des femmes détenues, souvent violées, ont donné naissance à des enfants qui n’avaient jamais vu la lumière du jour. Un homme libéré confie: «Mon exécution était prévue il y a une demi-heure. Nous étions 54...».
38 years separate these two photos of the Jordanian prisoner Osama Al-Bataina in Assad’s regime prison in Saydnaya. He has lost his memory. pic.twitter.com/829ceQ0n90
La cruauté à Saidnaya n’est pas le fruit du hasard, mais d’un système méthodique. Des vidéos montrent des prisonniers marqués par des sévices atroces, parfois exécutés dans des fosses communes ou brûlés dans des fours. «Il y avait des cadavres dans les fours. Ce que nous avons vu défie toute humanité», raconte Weisshelm Al Saleh, leader des Casques blancs, à Al-Jazeera.
De nombreux observateurs comparent Saidnaya aux camps de concentration nazis. Cette similarité pourrait ne pas être fortuite: le nazi Alois Brunner, ancien proche d’Adolf Eichmann, aurait conseillé le régime syrien après avoir fui en 1954. On suppose qu’il est mort à Damas entre 2001 et 2010, mais son influence demeure incertaine.
Did you know that all the horrors we see in Saydnaya prison today were brought to my country, Syria, after Hafez al-Assad hired a Nazi officer to import torture techniques, build prisons, and create a systematic killing machine?
Le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS) entend rendre justice. Il annonce vouloir établir une liste nominative des responsables de la torture d’État en Syrie et les poursuivre comme criminels de guerre. «Nous n’hésiterons pas à demander des comptes aux assassins et à réclamer leur extradition aux pays où ils se sont réfugiés», affirme Ahmed al-Charaa, leader du HTS.
Avec des informations de la Deutsche Presse-Agentur