BélarusDeux journalistes condamnées à deux ans de prison
ATS
18.2.2021 - 10:35
Deux journalistes bélarusses ont été condamnées jeudi à deux ans de prison ferme. Elles sont accusées d'avoir fomenté des troubles en couvrant le mouvement de contestation de 2020, nouvelle illustration de la répression orchestrée par le régime.
Soutenu par la Russie, le président Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, s'est efforcé de juguler ce mouvement historique, malgré les condamnations et les sanctions occidentales.
Daria Tchoultsova et Katerina Bakhvalova, correspondantes de la chaîne d'opposition Belsat basée en Pologne, avaient été arrêtées le 15 novembre dans un appartement d'où elles venaient de filmer la violente dispersion d'une manifestation d'hommage à un militant d'opposition, Roman Bondarenko, mort quelques jours plus tôt, après une arrestation musclée.
«J'ai montré ces événements à l'antenne, et on me jette en prison pour ça, en fabriquant des accusations», avait déclaré mercredi soir Katerina Bakhvalova, dans sa dernière prise de parole avant que la cour ne se retire pour délibérer.
Le Parquet accusait les deux journalistes d'avoir incité la population à manifester illégalement par leur reportage, ce qui a «porté gravement atteinte à l'ordre public».
Les deux jeunes femmes de 23 et 27 ans ont plaidé non coupables, s'estimant victimes de la répression contre le vaste mouvement de contestation qui a éclaté après la réélection d'Alexandre Loukachenko en août 2020, un scrutin émaillé d'accusations de fraudes massives.
V de la victoire
Lors du procès, enfermées dans la cage des prévenus, souriantes et défiant l'accusation, elles brandissaient leurs doigts en V, symbole de victoire et signe de ralliement des détracteurs de M. Loukachenko, à l'autoritarisme revendiqué. Parallèlement, le procureur général a annoncé jeudi qu'une enquête concernant le décès en novembre de Roman Bondarenko avait blanchi la police.
Le président Loukachenko a fait face pendant des mois à des protestations sans précédent. Les autorités ont réprimé le mouvement, le réduisant largement au silence à force d'arrestations, marquées aussi par des violences policières et des témoignages concordants de recours à la torture.
Toutes les figures de l'opposition sont emprisonnées ou en exil et des milliers de manifestants ont été arrêtés. En outre, la justice bélarusse juge depuis mercredi pour corruption l'opposant Viktor Babaryko, arrêté en juin, alors qu'il émergeait comme le grand rival de M. Loukachenko en vue de la présidentielle d'août.
Perquisitions
Enfin, une série de 90 perquisitions ont encore visé cette semaine une vingtaine de journalistes, de militants associatifs et de responsables syndicaux au Bélarus, dans le cadre d'une enquête sur le financement et l'organisation des manifestations de 2020.
Le ministère de l'Intérieur a annoncé avoir saisi l'équivalent de 80'000 dollars en diverses devises, des tracts indiquant comment résister à la police ou encore des textes liés au mouvement de grève ou «faisant la promotion des valeurs LGBT».
Selon les autorités, les personnes visées par les perquisitions ont «non seulement fourni un soutien» aux manifestations mais ont aussi «agi en tant qu'agents étrangers, organisant et finançant des manifestations sous le couvert d'activités de défense des droits de l'Homme».
Cette répression, en cours depuis des mois, a été dénoncée par les pays occidentaux, l'UE et les Etats-Unis adoptant des sanctions contre des proches du président bélarusse.
Fort du soutien du grand frère russe, M. Loukachenko est resté sourd à ces pressions et s'est félicité d'avoir vaincu la contestation, la qualifiant de «Biltzkrieg» occidental, la semaine passée devant un congrès d'apparatchiks.