Sur la chaîne publique grecque ERT, le générique du débat avant les élections législatives de dimanche vient de démarrer. A l'écran, les six principaux candidats apparaissent, assis les uns à côté des autres sur le plateau. Six hommes.
Keystone-SDA
16.05.2023, 07:46
ATS
Cette confrontation pré-électorale est à l'image d'un pays où la politique, malgré les promesses de hauts responsables, demeure très largement une affaire masculine.
Les statistiques sont éloquentes. Dans l'assemblée parlementaire grecque sortante, les femmes ne représentent que 21% des 300 députés. Dans l'Union européenne, la Grèce se situe ainsi dans le bas du tableau, à la 23e place sur 27, devant la Roumanie, Malte, Chypre et la Hongrie.
Aux commandes depuis 2019, le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis ne comprend que 10 femmes sur 58 membres. Et seules deux d'entre elles occupent un poste de ministre (Education et Culture).
Depuis son élégant bureau qui domine l'une de ces avenues qui cisaillent la capitale grecque, Vassiliki Thanou, 72 ans, manie l'euphémisme avec calme.
Pas satisfaisant
En Grèce, «le nombre de femmes engagées en politique n'est pas satisfaisant», lance cette ancienne présidente de la Cour de cassation qui fut, en 2015, la première -- et la seule à ce jour-- Première ministre grecque, nommée à la tête d'un gouvernement intérimaire avant la réélection d'Alexis Tsipras en 2015.
Durant à peine un mois, la magistrate pilota un pays économiquement à genoux et secoué par la «crise» des réfugiés avec l'arrivée sur les îles de la mer Egée de centaines de milliers de migrants fuyant les conflits au Moyen-Orient.
«Peut-être que la société grecque n'est pas (...) suffisamment mature pour reconnaître que les femmes ont le même potentiel que les hommes pour assumer des responsabilités politiques», avance-t-elle, soulignant que «le droit de vote pour les femmes n'a été instauré qu'en 1952, relativement tard par rapport aux autres pays européens».
Pourtant, depuis 2020, les Grecs ont à la tête de leur Etat une présidente, Katerina Sakellaroupoulou, même si son rôle est honorifique.
Surtout en 2019, la Grèce a renforcé son arsenal législatif dans ce domaine en instaurant un quota obligatoire de 40% de candidates au moins sur les listes électorales.
Mais la mesure peine à porter ses fruits. «Il y a (en effet) beaucoup de femmes sur les bulletins de vote, mais elles ne sont pas élues», a récemment regretté à la radio une candidate du parti Nouvelle-démocratie (droite) à Athènes, Dora Palli-Petralia.
Car dans l'isoloir, l'électeur qui doit inscrire jusqu'à quatre croix devant les noms des candidats qui recueillent son adhésion porte plus rarement son choix sur des femmes.
Stéréotypes marqués
«Nous vivons dans une société patriarcale et méditerranéenne. De nombreux stéréotypes de genre persistent», explique Stella Kasdagli, co-fondatrice de l'organisation «Women on top» qui soutient les femmes dans leur évolution professionnelle.
Interpellé en avril par une jeune animatrice d'une chaîne Youtube, Kyriakos Mitsotakis s'est engagé à nommer «beaucoup plus» de femmes dans son gouvernement s'il se maintient au pouvoir. Leur faible présence en politique relève, selon lui, «d'une autre époque».
Son principal rival de la gauche Syriza, Alexis Tsipras a également promis de faire mieux en assurant la parité «50/50 partout».
En 2015, il avait essuyé des quolibets lorsqu'il avait formé un gouvernement dominé par la gauche radicale avec seulement deux femmes en son sein.
En Grèce, «la vie des femmes est quasiment intégralement définie par les taches du 'care' au sein de la famille», en particulier l'éducation des enfants et les soins aux parents âgés, détaille Stella Kasdagli. Difficile dans ces conditions de se lancer dans le monde âpre et chronophage de la politique.
Toutefois, la société grecque a amorcé une évolution ces dernières années. Malgré une arrivée tardive, le mouvement #MeToo, porté par une championne olympique victime de viols, a fait prendre conscience des violences infligées aux femmes, par exemple.
Mais les remarques sexistes fleurissent encore, en particulier sur certaines chaînes de télévision privées.
Et les médias ont largement commenté «la beauté», «les beaux yeux bleus» de la vice-présidente déchue du parlement européen, la Grecque Eva Kaili, mise en cause dans le scandale de corruption en lien avec le Qatar.