Madagascar François dénonce la «culture du privilège»

ATS

8.9.2019 - 17:49

Le pape François a dénoncé dimanche à Madagascar la «culture du privilège» devant près d'un million de personnes. Elles étaient venues des quatre coins du pays pour assister à une messe géante en lisière de la capitale Antananarivo.

Organisée sur le site de «Soamandrakizay» («Un bien pour l'éternité» en langue locale), un ancien vignoble de 60 hectares spécialement aménagé, la célébration a rassemblé «autour d'un million de personnes», s'est réjoui un porte-parole du Vatican. Sur l'immense terrain proche de la capitale, les fidèles ont attendu pendant de longues heures le pape assis sur des bâches en plastique, se protégeant tant bien que mal de la poussière rouge de la terre balayée par le vent qui s'infiltrait dans les yeux et les narines.

Parés de chapeaux jaunes et blanc à l'effigie de François, ils ont salué dans la ferveur le souverain pontife, arrivé sur le site à bord d'une «papamobile» fabriquée à Madagascar. Au premier rang, juste devant la tribune, les «VIP» endimanchés bénéficiaient de confortables chaises protégées de bâches blanches.

L'homélie du pape a semblé s'adresser d'abord à eux, nantis d'un pays dont les neuf dixièmes des 25 millions d'habitants survivent avec moins de deux dollars par jour. Il ne faut pas «manipuler l'Evangile» mais «construire l'histoire dans la fraternité et la solidarité, dans le respect gratuit de la terre et de ses dons contre toute forme d'exploitation», a-t-il dit.

'Privilège et exclusion'

François s'en est pris «à certaines pratiques qui aboutissent à la culture du privilège et de l'exclusion», critiquant tous ceux qui pensent que «'la parenté' devient la clé décisive et déterminante de tout ce qui est juste et bon».

Devant la foule, pour qui le consumérisme constitue un rêve inaccessible, le pape a souligné que les richesses ne permettaient pas forcément de se rapprocher de Dieu. Et de dénoncer «la course à l'accumulation» qui devient «étouffante et accablante», «aggravant l'égoïsme et l'utilisation de moyens immoraux». Ses propos ont été bien accueillis par les fidèles.

Elu à la tête du pays en décembre dernier, le président Andry Rajoelina, qui a assisté à la messe du pape avec son épouse, a assuré lui aussi «souscrire» à son message.

Président des «faibles»

«En tant que chrétien et homme d'Etat, je mène un combat sans relâche contre la corruption, la pauvreté et les maux qui minent Madagascar», a-t-il écrit sur son compte Twitter, «avec le gouvernement, nous agissons d'abord pour les faibles». Madagascar figure au 152e rang sur 180 dans le classement de la perception de la corruption de Transparency International.

Samedi, lors d'une rencontre avec les autorités politiques et civiles du pays, le pape avait déjà appelé à lutter contre «la corruption et la spéculation qui augmentent la disparité sociale», évoquant «la grande précarité» parfois «inhumaine» de la population de l'île.

Depuis son arrivée dans le pays, une foule ardente guette le passage de la voiture du pape à chacun de ses déplacements, le long de routes accidentées le long de rizières, bordées de fours à briques artisanaux et de modestes étals de fruits.

L'instabilité politique du pays a freiné son développement économique, essentiellement basé sur l'agriculture, avec notamment l'exportation de la vanille et du cacao. A Madagascar, cinquième plus grande île du monde (587'000 km2), beaucoup d'habitants ne mangent pas à leur faim et ne vont pas à l'école.

Dans cette île majoritairement chrétienne qui compte un tiers de catholiques, les institutions religieuses jouent un rôle fondamental dans l'éducation et la santé.

Ville sur les immondices

Dimanche après-midi, le pape argentin est ensuite venu apprécier l'oeuvre d'un compatriote, le père Pedro Opeka, qui fut son élève au séminaire. L'endroit incarne au plus près le message central de son pontificat, tourné vers les exclus et révolté contre les inégalités sociales.

Le fondateur de la cité d'Akamasoa («Bons amis» en malgache) a sorti des milliers de personnes de la misère en créant sur les immondices d'une ancienne décharge une ville de 25'000 habitants. Il est décrit comme «le bras de Dieu» voire «le deuxième pape» par ceux qui lui doivent une vie meilleure.

C'est côte à côte avec le charismatique prêtre argentin à la barbe blanche de 71 ans, que le pape de 82 ans a fait son entrée dans un gymnase bondé de près de 10.000 jeunes de la cité en délire, agitant en parfaite cadence des drapeaux. «Akamasoa est l'expression de la présence de Dieu au milieu de son peuple pauvre», a déclaré François d'emblée.

Retour à la page d'accueil