Guerre des BalkansGuerre des Balkans: deux ex-chefs espions serbes condamnés
ATS
30.6.2021 - 19:59
Deux ex-chefs espions serbes ont été condamnés à 12 ans de prison chacun mercredi par la justice internationale pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre lors des conflits en ex-Yougoslavie au début des années 90. Ils avaient été acquittés en 2013.
30.06.2021, 19:59
30.06.2021, 21:27
ATS
Jovica Stanisic, 70 ans, ancien chef de la sécurité intérieure de la Serbie et figure-clé du régime de Slobodan Milosevic, et son adjoint Franko Simatovic, 71 ans, ont été condamnés à douze ans de prison chacun pour avoir aidé des groupes paramilitaires serbes qui ont terrorisé des Musulmans et Croates dans une ville bosniaque en 1992.
Il s'agit d'une des dernières affaires liées aux guerres dans l'ex-Yougoslavie – dont le bilan humain est estimé à 130'000 morts – traitée par la justice internationale, après la condamnation à perpétuité de l'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie Ratko Mladic début juin.
«La Chambre de première instance juge M. Stanisic et M. Simatovic coupables» de crimes de guerre, de meurtres, de crimes contre l'humanité, persécution, déplacement forcé et déportation, a déclaré le juge président Burton Hall lors du verdict.
«Justice rendue»
Munira Subasic, présidente d'une des associations des «mères de Srebrenica», militant pour que justice soit rendue aux victimes du massacre 8000 hommes et garçons musulmans en 1995, a déclaré à l'AFP que ce verdict «rendait justice à toutes les victimes de Bosnie».
«Les victimes ne sont jamais satisfaites, mais c'est important qu'ils soient condamnés, même si c'est juste pour les crimes commis à Bosanski Samac», a-t-elle ensuite déclaré à une chaîne télévisée bosniaque.
L'avocat de la défense de M. Stanisic, Wayne Jordash, a déclaré qu'ils feraient appel «pour sûr». «Pour moi, cela ressemble à un compromis cynique, dans lequel nous devons trouver un moyen de le condamner, de justifier pourquoi ils ont jugé cet homme pendant 18 ans», a-t-il déclaré à des journalistes.
Les deux hommes ont aidé à organiser et à déployer les forces serbes durant la prise de Bosanski Samac en avril 1992, «ce qui a eu un effet substantiel sur la commission des crimes», a indiqué le tribunal.
«Campagne de la terreur»
Les forces serbes ont mené une «campagne de terreur» pour chasser les non-Serbes comprenant des viols, des pillages et la destruction de bâtiments religieux dans la ville, ainsi que l'emprisonnement de Musulmans de Bosnie et de Croatie dans six centres de détention, a ajouté le tribunal.
«Les détenus ont été maintenus dans des conditions inhumaines et ont été soumis au travail forcé, à de mauvais traitements, à la torture, ont été forcés à se livrer à des actes sexuels et ont été tués», a indiqué le jugement. Seize hommes ont péri lors d'un incident spécifique en mai 1992, précise-t-il.
Le tribunal a déclaré que M. Stanisic et M. Simatovic étaient «criminellement responsables d'avoir aidé et encouragé» les crimes dans la ville, mais «ne considère pas les accusés coupables d'avoir planifié, ordonné ou aidé et encouragé tout autre crime dont ils sont accusés».
Les procureurs avaient aussi affirmé que M. Stanisic et M. Simatovic faisaient partie d'une entreprise criminelle commune incluant aussi Slobodan Milosevic, mort d'une crise cardiaque en 2006 avant l'achèvement de son procès, et le chef politique des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic, condamné à la prison à vie.
Les deux ex-chefs serbes étaient accusés d'avoir financé et ravitaillé des groupes paramilitaires après la dislocation de la Yougoslavie en 1991 comme l'unité d'élite des «Bérets rouges» et la milice redoutée «Les Tigres» dirigée par Zeljko Raznatovic alias «Arkan».
Campagne de meurtres
Le tribunal a déclaré que si les deux hommes étaient «au courant de la campagne de meurtres, de persécutions et de déplacements forcés» visant à chasser les non-Serbes de Croatie et de Bosnie, l'accusation n'avait pas prouvé au-delà d'un doute raisonnable qu'ils faisaient partie du plan.
En mai 2013, les juges du procès en première instance avaient décidé que l'accusation n'avait pas réussi à prouver la culpabilité des deux ex-chefs serbes et les avaient acquittés.
Le 15 décembre 2015, revirement rare: la Chambre d'appel du TPIY infirmait l'acquittement, avançant que les premiers juges s'étaient «trompés» sur divers points de droit.
Le journaliste et analyste croate Boris Pavelic avait déclaré à la radio nationale bosniaque que le verdict était la «dernière occasion» d'établir un lien entre l'État serbe et les crimes commis en Bosnie et en Croatie.