France «Il parle plus qu’il ne fait» - L’immense défi de Gabriel Attal

AFP

15.3.2024

Gabriel Attal en fait-il trop ? Sa communication tous azimuts interroge jusque dans la majorité et place le jeune Premier ministre habile à capter la lumière au défi d'obtenir des résultats, et de sortir du champ de l'Education qu'il occupait déjà auparavant.

La manière de communiquer de Gabriel Attal interroge jusque dans la majorité.
La manière de communiquer de Gabriel Attal interroge jusque dans la majorité.
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«Son enjeu, c’est de passer de la communication à la concrétisation. Si ça ne marche pas pour lui, ça ne marche pas pour nous», même s'il a encore besoin «de temps», met en garde un cadre de la majorité.

Ses talents de communicant sont loués au regard de sa précédesseure à Matignon Elisabeth Borne, une polytechnicienne attachée davantage aux dossiers qu'au service après-vente.

Elisabeth Borne «était plus impliquée dans les dossiers, elle m'interrogeait plus sur le fond», témoigne un ministre qui a connu les deux locataires de Matignon. Mais «je ne pense pas que la stratégie de Borne de ne rien incarner servait à quelque chose», ajoute un autre.

Gabriel Attal «a toujours joué la distinction par rapport à ses prédécesseurs», Sibeth Ndiaye au porte-parolat, Pap Ndiaye à l'Education et Elisabeth Borne à Matignon, note Frédéric Dabi, directeur de l'institut de sondages Ifop.

Sur la crise agricole ou les inondations dans le Pas-de-Calais, il a «une capacité de positionnement qui fonctionne très bien: on écoute, on répond et on revient» faire le bilan des avancées, fait valoir une ministre. Et grâce aux déplacements qu'il affectionne et multiplie, «il crée un lien de confiance qui fonctionne avec les élus, les habitants», ajoute-t-elle.

«De la gentillesse»

Mais «de l’excellente communication à l’excellent politique, il a encore toutes ses preuves à faire», selon le spécialiste de la communication politique Philippe Moreau-Chevrolet.

Car pour l'instant «il parle plus qu’il ne fait» en «saturant l'espace médiatique» avec un événement par jour, sa chienne Volta souvent à ses côtés, estime le communicant. A l'instar de la «parole performative» vantée par l'entourage lui-même du Premier ministre.

Dans les enquêtes qualitatives, des questionnements émergent: «+est-ce que ce n'est pas que de la com' ? est-ce que Macron lui laisse des marges de manœuvres?», selon M. Dabi.

«C'est un porte-parole, pas un chef de gouvernement», cingle un responsable de la majorité.

A l'Elysée, le choix semble assumé. Quand Emmanuel Macron a nommé Gabriel Attal, «il m'a dit: +j'ai soigné mon ego, je veux que ce soit lui qui prenne toute la lumière. Comme il aime ça, ça tombe bien+», rapporte un proche du chef de l'Etat.

Cette exposition médiatique permet au populaire Premier ministre de marquer sa différence avec un président omniprésent. «Il a de la gentillesse, ce n'est pas quelqu'un qui va être lointain, cassant, il a un style plus direct, plus proche des gens, c’est sa différence et sa complémentarité avec Emmanuel Macron», note M. Moreau-Chevrolet.

«Contrôle absolu»

L'intéressé défend lui «l’importance d'expliquer ce qu’on fait» mais il admet que la communication doit rester «au service de décisions, de réformes et d'actions» et vante ses engagements pour les agriculteurs, tenus selon lui à 85%. Le plus jeune Premier ministre de la Ve République, qui aura 35 ans samedi, doit surtout convaincre les électeurs.

Présenté comme l'arme anti Jordan Bardella aux européennes de juin, ces derniers ont d'abord l'intention de voter pour le président du Rassemblement national, dont la liste est donnée à plus de dix points devant celle de la majorité.

Sa gageure reste aussi de sortir de son sujet phare, l'éducation, qu'il a tenu à «emmener» à Matignon après avoir marqué les esprits avec l'interdiction de l'abaya ou la lutte contre le harcèlement scolaire.

Il a consacré cette semaine à ce dossier, avant de mettre la focale sur la santé. Une manière pour lui d'assoir son autorité sur les poids-lourds du gouvernement, tenus eux aussi de communiquer davantage --être des «révolutionnaires» et pas des «gestionnaires», leur a demandé Emmanuel Macron--, au risque de préempter certaines annonces du chef du gouvernement.

Gabriel Attal, «il est nickel, rien qui dépasse. Il est en contrôle absolu», selon un macroniste de la première heure. Pour un dessein plus lointain ? «Ca n’existe pas Matignon sans ambition», rappelle le même.