Brexit Irlande du Nord: Londres veut renégocier les mesures post-Brexit

vey

21.7.2021 - 17:26

Le Royaume-Uni a demandé mercredi à l'Union européenne de renégocier en profondeur les dispositions douanières post-Brexit en Irlande du Nord, à l'origine de vives tensions dans la province britannique. Il s'est attiré une fin de non recevoir de la part de Bruxelles.

Le secrétaire d'Etat chargé des questions européennes David Frost  a demandé une renégociation pour arriver à "un nouvel équilibre" (archives).
Le secrétaire d'Etat chargé des questions européennes David Frost a demandé une renégociation pour arriver à "un nouvel équilibre" (archives).
ATS

Keystone-SDA, vey

Pour éviter le retour d'une frontière entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande, le protocole nord-irlandais âprement négocié dans le cadre du Brexit crée de fait une frontière douanière entre la province britannique, qui bénéficie toujours du marché unique européen, et l'île de Grande-Bretagne.

Cela perturbe les approvisionnements du territoire et sème la colère dans la communauté unioniste attachée au maintien au sein du Royaume-Uni.

«Un nouvel équilibre»

Après avoir menacé de suspendre unilatéralement le traité en invoquant son article 16, Londres, par la voix du secrétaire d'Etat chargé des questions européennes David Frost, a averti mercredi que la situation actuelle le «justifiait» mais a concédé que ce n'était pas «le bon moment».

Il a demandé en revanche une renégociation pour arriver à «un nouvel équilibre». «On ne peut tout simplement pas continuer comme cela», a-t-il martelé à la Chambre des Lords, présentant les demandes britanniques. «Ces propositions nécessiteront un changement significatif du protocole de l'Irlande du Nord».

L'UE refuse une renégociation

Cette demande passe mal auprès des Européens. Ils se sont dits disposés à poursuivre le dialogue et à «trouver des solutions innovantes» avec Londres «dans le cadre du protocole». «Toutefois, nous n'accepterons pas une renégociation du protocole», a averti le vice-président de la Commission européenne, Maros Sefcovic.

Simon Coveney, le chef de la diplomatie de la république d'Irlande, en première ligne, a rappelé que le texte avait été approuvé par Londres et Bruxelles, mais qu'il continuerait à «encourager le Royaume-Uni à travailler en partenariat avec l'UE pour identifier des solutions réalistes», dans le cadre du protocole.

Un moratoire demandé

Pour renégocier, Londres demande «rapidement» un moratoire comprenant la prolongation des périodes de grâce en vigueur sur certains contrôles ainsi que le gel des actions juridiques intentées par l'UE.

Cette solution permettra de «traiter les problèmes dans leur ensemble» au lieu de crises répétées aux différentes dates butoirs, a déclaré devant les députés le ministre chargé de l'Irlande du Nord, Brandon Lewis.

A terme, afin de préserver le marché intérieur britannique, Londres demande que les biens britanniques destinés à la province et non au marché européen puissent y accéder «presque» sans contrôles douaniers. Il souhaite aussi que ses normes et non seulement celles de l'UE y soient acceptées afin que les marchandises circulent sans entrave.

Eviter une frontière

L'UE a toujours rejeté de telles mesures, y voyant un danger pour l'intégrité de son propre marché faute de frontière physique et de contrôle entre l'Irlande du Nord et l'Irlande, au sud. L'objectif du protocole est justement d'éviter une telle frontière, qui pourrait compromettre la paix.

Effectif depuis le 1er janvier, il maintient pour cela la province britannique dans le marché unique et l'union douanière européens pour les marchandises, en prévoyant des contrôles douaniers sur les biens arrivant en Irlande du Nord depuis la Grande-Bretagne, séparées par la mer.

Les unionistes s'estiment trahis et militent pour l'abandon du protocole. De violentes émeutes ont fait des dizaines de blessés au sein de la police en avril, ravivant le spectre des Troubles (quelque 3500 morts jusqu'à l'accord de paix de 1998).

Le chef du parti unioniste DUP, Jeffrey Donaldson, s'est dit en phase avec le gouvernement, estimant que «des remèdes de court terme n'allaient jamais fonctionner». «Il nous faut une vraie renégociation», a-t-il insisté.

Accord provisoire

Pour éviter d'envenimer les choses, Londres et Bruxelles ont récemment conclu un accord provisoire réglant la «guerre de la saucisse» qui couvait, permettant à la Grande-Bretagne de continuer jusqu'au 30 septembre à expédier de la viande réfrigérée vers la province britannique.

Mais cette solution provisoire ne règle pas le problème de fond. La chaîne de supermarchés Marks & Spencer a averti mercredi qu'elle ne pourrait pas en l'état approvisionner la province avec tous les produits qu'elle fournit habituellement à Noël.