Peur de «perdre la dynamique» Israël sous pression pour prolonger la trêve avec le Hamas

ATS

26.11.2023 - 20:08

Israël est sous pression pour prolonger la trêve avec le Hamas dans la bande de Gaza, mais les responsables militaires israéliens craignent de perdre la dynamique qui doit leur permettre «d'anéantir» le mouvement islamiste palestinien, objectif annoncé de la guerre.

Samedi, des dizaines de milliers de manifestants s'étaient réunis dans le centre de Tel-Aviv, scandant «Maintenant, tous maintenant» et arborant des banderoles implorant «sortez-les de l'enfer» (archives).
Samedi, des dizaines de milliers de manifestants s'étaient réunis dans le centre de Tel-Aviv, scandant «Maintenant, tous maintenant» et arborant des banderoles implorant «sortez-les de l'enfer» (archives).
KEYSTONE

L'accord, obtenu grâce à la médiation américaine, qatarie et égyptienne, est censé initialement durer quatre jours, donc s'achever lundi soir, et peut être prolongé dix jours au maximum.

Toutes les 24 heures, tant que les armes se taisent, une dizaine d'otages israéliens enlevés le 7 octobre doivent être libérés en échange d'un nombre trois fois plus élevé de Palestiniens détenus par Israël.

Chaque jour qui passe augmente donc le nombre d'otages libérés, répondant à une immense exigence de l'opinion israélienne, mais permet aussi au Hamas de retrouver des forces après des semaines d'une guerre dévastatrice.

Simultanément, les chancelleries s'activent pour éviter une reprise des combats qui aggraveraient encore la crise humanitaire dans la bande de Gaza.

Le temps contre Israël

«Le temps joue contre Israël», assure Andreas Krieg, du King's College de Londres, résumant le dilemme des autorités israéliennes: «d'un côté vous voulez tous vos otages dehors, sachant que vous ne les libèrerez pas militairement. De l'autre, vous ne voulez pas perdre la dynamique de la guerre».

L'armée, pour l'heure, ne cache pas son intention de retourner au combat. Le 7 octobre, le Hamas a tué quelque 1200 personnes, essentiellement des civils, et en a enlevé quelque 240 en Israël.

Depuis, le gouvernement de Benjamin Netanyahu a juré «d'anéantir» le mouvement palestinien, justifiant ainsi les bombardements incessants sur le petit territoire assiégé où environ 15'000 personnes ont été tuées, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

En déplacement dans la bande de Gaza dimanche – une première pour un chef de gouvernement israélien depuis le retrait unilatéral d'Israël du territoire palestinien en 2005 – le Premier ministre a réaffirmé sa volonté de reprendre les combats. «On continue jusqu'à la fin, jusqu'à la victoire. Rien ne nous arrêtera».

La pression la plus forte pour prolonger la trêve «vient de l'intérieur d'Israël, des familles des otages», estime Arik Rudnitzky, du Centre Moshe Dayan de l'Université de Tel-Aviv.

Samedi, des dizaines de milliers de manifestants s'étaient réunis dans le centre de Tel-Aviv, scandant «Maintenant, tous maintenant» et arborant des banderoles implorant «sortez-les de l'enfer».

«Volonté politique»

Mais un responsable militaire israélien a, sous couvert de l'anonymat, confié à l'AFP «le terrible dilemme» auquel est confrontée l'armée. Plus la trêve dure, plus le Hamas a le temps de «rebâtir ses capacités et attaquer Israël de nouveau».

Le Qatar, omniprésent depuis le début de la crise et qui accueille une représentation du Hamas, s'active pour que les combats ne reprennent pas, afin de «maintenir la dynamique» d'un cessez-le-feu durable, selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Majed al-Ansari.

«Cela ne peut être fait qu'avec de la volonté politique, non seulement de la part des Israéliens et des Palestiniens mais aussi des autres partenaires».

A cet égard, le président américain Joe Biden, fervent soutien d'Israël, a dit espérer dimanche que la trêve «se poursuive au delà de lundi».

Avec une élection présidentielle attendue en 2024, et une guerre en Ukraine qui semble figée pour longtemps, Washington n'est nullement attiré par un autre conflit de longue durée.

«Donc l'administration doit trouver une bretelle de sortie», estime Andreas Krieg. «Il n'y a pas de solution militaire. Ceci est ingagnable».

Une source proche du Hamas a indiqué à l'AFP dimanche que le mouvement était «d'accord pour prolonger la trêve actuelle de deux à quatre jours».

Le Hamas devrait «faire durer» la question des otages pour «faire payer le prix fort à Israël», estime l'ancien cadre des renseignements israéliens Avi Melamed.

Le mouvement, au pouvoir à Gaza depuis 2007, espère voir le soutien à Israël se dissiper et les pressions s'accentuer pour «créer les circonstances permettant au Hamas de continuer à exister».

Eva Koulouriotis, analyste indépendante du Moyen-Orient, estime elle aussi que le Hamas joue sa survie à long terme et que le temps travaille pour lui.

Pour le mouvement islamiste, «tout scénario dans cette guerre qui ne conduirait pas à sa disparition dans la bande de Gaza serait considéré comme une victoire», assure-t-elle à l'AFP.

Et ce, «quelles que soient ses pertes matérielles et humaines, l'étendue des destructions à Gaza et l'étendue des victimes civiles».