Sexisme en politique«J'ai été menacée de viol tellement de fois que j'en ai perdu le compte»
Clara Francey
4.11.2025
L'ancienne Première ministre finlandaise Sanna Marin dénonce, dans ses mémoires publiés mardi, le sexisme subi par les membres féminins de son gouvernement pendant son mandat, déplorant un «flot ininterrompu de menaces en ligne».
Sanna Marin en février 2025.
IMAGO/Avalon.red
Agence France-Presse
04.11.2025, 13:53
Clara Francey
En 2019, Mme Marin est devenue, à l'âge de 34 ans, la plus jeune femme au monde élue à ce poste, à la tête d'une coalition de centre-gauche composée de cinq femmes, dont quatre âgées de moins de 35 ans.
En quelques mois, l'ex Première ministre devient l'une des figures politiques les plus connues de la planète, surnommée «Première ministre rock star» par les médias.
Dans son livre «L'Espoir en acte. Le courage de diriger», qui paraît en français chez Flammarion le 5 novembre, elle juge que son âge et son genre ont joué un énorme rôle dans la manière dont elle et son gouvernement ont été traités. Elle dénonce le harcèlement misogyne en ligne subi par les membres de son cabinet.
Les cheffes des partis ont été «la cible d'un flot ininterrompu de menaces en ligne, principalement à caractère sexuel», écrit Sanna Marin. Elle-même a «été menacée de viol et d'autres formes d'agression sexuelle tellement de fois que j'en ai perdu le compte», confie-t-elle.
La coalition a été affublée de «gouvernement au rouge à lèvres» ou encore «gouvernement de filles». «Nos compétences et nos capacités de dirigeantes étaient constamment remises en question, sans aucune tentative de justifier ces accusations», ajoute l'ancienne femme politique.
«Notre comportement était moralisé d'une manière qui rappelle davantage une époque où les femmes n'étaient pas autorisées à aller au restaurant sans être accompagnées d'un homme que la société d'aujourd'hui».
Bien que très populaire pendant son mandat, Sanna Marin a rapidement divisé la société finlandaise, à la suite de scandales médiatiques liés à sa vie privée.
En août 2022, des vidéos d'elle en train de faire la fête avec des célébrités finlandaises fuitent sur les réseaux sociaux, faisant la une des journaux du monde entier. Sous pression, elle se soumet à un test de dépistage de drogues afin de dissiper tout soupçon de mauvaise conduite.
Aurait-elle agi différemment en sachant à l'avance le tollé qu'allaient provoquer ces vidéos ? Mme Marin trouve cette question stupéfiante, écrit-elle, et répond toujours: «Quelle genre de vie serait-ce ?»
«Nous avons vite compris que mon véritable crime politique était de ne pas me comporter et de ne pas avoir l'apparence que l'on attendait d'un Premier ministre», raconte-t-elle dans ses mémoires.
«J'étais trop décontractée, trop informelle, et je dansais d'une manière jugée indécente. Je passais mes soirées dans des fêtes entre amis au lieu de m'asseoir à un dîner formel composé de huit plats et de siroter des vins soigneusement sélectionnés».
Peu après la défaite des sociaux-démocrates aux élections d'avril 2023, Mme Marin a annoncé son retrait de la vie politique et a été nommée conseillère stratégique pour le Tony Blair Insitute for Global Change.