La vague #MeToo déferle à gauche: le patron des Verts Julien Bayou a quitté ses fonctions. Il s'estime piégé par une situation «intenable» dans laquelle il ne peut, selon lui, se défendre face à des accusations de violences psychologiques envers une ex-compagne.
26.09.2022, 19:37
26.09.2022, 21:09
ATS
«J'ai annoncé ce matin aux adhérents d'Europe Ecologie les Verts ma démission de mes fonctions de Secrétaire national», a expliqué Julien Bayou jeudi matin dans un communiqué.
Il a également annoncé sa «démission de la présidence du groupe écologiste à l'Assemblée nationale», poste dont il était déjà suspendu depuis quelques jours.
Il se dit «accusé de faits qui ne (lui) sont pas présentés, dont (ses) accusateurs-ices disent qu'ils ne sont pas pénalement répréhensibles», et dont il ne peut pas se défendre «puisqu'on refuse de (l)'entendre».
«Instrumentalisation»
«Julien Bayou constate avec amertume et colère l'instrumentalisation du juste combat contre les violences sexuelles et sexistes à des fins politiques», a dénoncé son avocate, Me Marie Dosé, dans une déclaration lue à la presse lundi après-midi, en déplorant un «vulgaire déballage».
«Personne n'ignore que le congrès des écologistes se tient en fin d'année, l'ambition politicienne ne saurait justifier toutes les croisades», a-t-elle attaqué.
L'affaire a été révélée en juillet, quand la cellule interne d'EELV sur les violences et harcèlements sexuels s'est autosaisie à la suite d'un courriel de son ex-compagne, dont il s'est séparé en novembre 2021.
Mais aucune plainte n'a été déposée ni aucune enquête judiciaire ouverte.
Selon Me Dosé, Julien Bayou a demandé «à quatre reprises par écrit à être auditionné» par la cellule.
Cela «lui a été purement et simplement refusé», a-t-déploré, dénonçant «une procédure disqualifiée». Son client est «délibérément tenu dans l'ignorance des faits qui lui sont reprochés», a-t-elle ajouté.
Elle a assuré que «Julien Bayou n'a jamais exercé la moindre violence psychologique à l'égard de ses compagnes», rappelant «qu'à aucun moment n'ont été évoquées des violences sexuelles, physiques ou du harcèlement».
Julien Bayou, qui devrait s'exprimer dans les prochains jours, «attend de son parti qu'il mette tout en oeuvre pour que lui, et d'autres, puissent se défendre» dans «le respect des procédures contradictoires», a-t-elle insisté, précisant que son client n'avait pas l'intention de porter plainte contre son ex-compagne.
Dans son communiqué, le député souligne que sa décision «ne remet en question» ni son mandat de député ni son «engagement présent et à venir».
«Santé morale brisée»
L'affaire a pris un nouveau tournant la semaine dernière, lorsque la députée Sandrine Rousseau l'a accusé de «comportements de nature à briser la santé morale des femmes», et a raconté, sur un plateau TV, avoir «reçu longuement» chez elle l'ex-compagne de M. Bayou.
L'écoféministe avait ajouté qu'elles étaient «manifestement plusieurs» à être concernées par ces comportements.
En plein remous de l'affaire Adrien Quatennens – le député Insoumis qui a reconnu des violences conjugales sur son ex-compagne – le bureau du groupe écologiste à l'Assemblée nationale avait suspendu la semaine dernière Julien Bayou de ses fonctions de coprésident, qu'il occupait avec Cyrielle Chatelain.
Le coup de grâce a été porté dimanche par l'ex-candidat à la présidentielle, Yannick Jadot, qui a jugé que «pour la sérénité de l'enquête» interne, il serait «de bonne intelligence (...) qu'on accélère sa mise en retrait du secrétariat national d'EELV».
Julien Bayou devait de toute façon quitter ce poste lors du Congrès de décembre, puisque selon les statuts d'EELV, il ne peut cumuler ses fonctions de député et de chef de parti.
Sur franceinfo, la députée européenne EELV Karima Delli «prend acte» de sa démission, expliquant que «nous sommes à un moment où les violences faites aux femmes sont des sujets prioritaires».
«On est aujourd'hui dans un monde étrange où la justice se rend sur les plateaux de télévision», a regretté le député européen François-Xavier Bellamy (LR), sur Sud Radio, tandis que le patron du MoDem François Bayrou a condamné sur franceinfo «le procédé qui consiste à aller sur un plateau pour mettre en accusation quelqu'un de son propre parti», sans preuve.
A l'extrême droite, Marion Maréchal a aussi dit ne pas aimer «quand la justice médiatique se substitue à la justice tout court».