Génocide rwandais Kagame salue le rapport français, Paris ouvre ses archives

ATS

7.4.2021 - 15:19

Le président rwandais Paul Kagame a estimé mercredi que le rapport Duclert sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi en 1994 était «un important pas en avant». Cela au moment où Paris ouvre au grand public d'importantes archives sur le sujet.

Le génocide rwandais a fait, selon l'ONU, 800'000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsi (archives).
Le génocide rwandais a fait, selon l'ONU, 800'000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsi (archives).
KEYSTONE/AP/RICARDO MAZALAN

Vingt-sept ans jour pour jour après le début du génocide, M. Kagame a affirmé que ce rapport qui pointe des responsabilités lourdes et accablantes de la France marquait «un changement».

«Il montre un désir, même chez les dirigeants en France, d'avancer avec une bonne compréhension de ce qui s'est passé. Nous saluons cela», a-t-il ajouté lors d'un discours à Kigali à l'occasion des cérémonies de commémoration du génocide.

Rapport rwandais annoncé

C'est la première fois que M. Kagame s'exprime sur les travaux de la commission Duclert, remis le 26 mars à son homologue français Emmanuel Macron, précisant que le Rwanda «aura aussi son mot à dire», avec son propre rapport sur le sujet qui devrait être dévoilé courant avril.

En France, les commémorations du 27e anniversaire du génocide, où plus de 800'000 personnes, essentiellement tutsi, furent exterminées entre avril et juillet 1994, étaient placées sous le signe du refus du négationnisme.

Excuses nécessaires

Paris a annoncé mercredi l'ouverture au grand public d'importantes archives, notamment celles de l'ancien président socialiste François Mitterrand, au pouvoir à l'époque du génocide. Un geste salué comme «une bonne chose» par l'association de rescapés Ibuka France.

Toutefois, «les rescapés n'ont pas beaucoup à apprendre», a souligné le président d'Ibuka France Etienne Nsanzimana, lors d'une cérémonie au memorial de la Shoah à Paris. «Ils veulent des actes forts, des mots d'excuses», a-t-il lancé.

«À titre personnel, je pense que des excuses s'imposent au vu de cette politique française au Rwanda, qui a été d'une grande violence et d'une supériorité très coloniale», a renchéri l'historien Vincent Duclert, auteur du rapport, dans une interview à Mediapart.

Extrader ou juger les génocidaires

L'ambassadeur du Rwanda en France, François-Xavier Ngarambe, a de son côté exhorté «tous les pays au sein desquels des génocidaires se cachent» à les «extrader ou à les juger eux-mêmes».

Plusieurs personnes soupçonnées par Kigali d'avoir joué un rôle dans le génocide résident aujourd'hui en France. Certaines ont été arrêtées, comme en mai dernier Félicien Kabuga, financier présumé du génocide, depuis transféré à la Haye pour comparaitre devant la justice internationale.

Après plus de deux décennies de relations exécrables entre Paris et Kigali, empoisonnées par la question du rôle de la France, le ton était cependant à l'apaisement. M. Ngarambe a de nouveau salué le «pas important» que constitue le rapport d'historiens de la commission Duclert et cité les «efforts» de la France pour juger des génocidaires sur son sol.

«Lutter contre l'oubli»

Des représentants de l'Etat français ont participé aux commémorations, une présence saluée comme une marque de «respect» par une responsable d'Ibuka. Le chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian a assisté à une cérémonie de dépôt de gerbes dans la matinée.

Et à la cérémonie au mémorial de la Shoah, le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer a insisté sur le rôle de la recherche et de l'enseignement afin de «lutter contre l'éternel recommencement et contre l'oubli». «Nous devons la vérité historique aux victimes, à leurs enfants, à notre humanité», a-t-il déclaré.

Attendu depuis des années

L'ouverture des archives sur le rôle de la France au Rwanda était attendue depuis des années et marque un pas supplémentaire dans la politique mémorielle d'Emmanuel Macron, après la remise du rapport Duclert.

Les archives de l'ancien président socialiste François Mitterrand, celles de son Premier ministre de l'époque Edouard Balladur (droite), et d'autres documents sont désormais ouverts à tous les publics, selon un décret paru mercredi au Journal officiel.

Responsabilité de Mitterrand établie

Plusieurs de ces documents, notamment des télégrammes diplomatiques et notes confidentielles, figurent dans le rapport Duclert. Cette somme de 1200 pages souligne notamment la responsabilité de François Mitterrand et de son état-major particulier, qui ignoraient régulièrement les diverses mises en garde sur les risques de génocide.

Au total, ce sont des milliers de documents qui vont ainsi être ouverts au public. D'autres ouvertures d'archives pourraient suivre à l'été, notamment des documents de l'armée, déclassifiés mais pas exploités, selon une source proche du dossier.