Nagorny Karabakh L'Azerbaïdjan appelle les Arméniens à capituler

ATS

19.9.2023 - 20:37

L'Azerbaïdjan a lancé mardi une opération militaire au Nagorny Karabakh, trois ans après la précédente guerre. Il a exigé la reddition de l'Arménie dans cette région disputée depuis des décennies.

Point de contrôle (checkpoint) à l'entrée du Karabakh, région doublement convoitée (archives).
Point de contrôle (checkpoint) à l'entrée du Karabakh, région doublement convoitée (archives).
KEYSTONE/AP PHOTOLURE

Keystone-SDA

L'armée azerbaïdjanaise a déclaré mardi soir avoir pris «plus de 60» positions des forces séparatistes arméniennes. Un peu plus tôt, la présidence azerbaïdjanaise a appelé en début de soirée les forces séparatistes arméniennes du Karabakh à rendre les armes, condition sine qua non pour le début de négociations.

«Les forces armées arméniennes illégales doivent hisser le drapeau blanc, rendre toutes les armes et le régime illégal doit se dissoudre. Autrement, les opérations antiterroristes continueront jusqu'au bout», a-t-elle déclaré. La diplomatie azerbaïdjanaise a elle réclamé une reddition «totale et inconditionnelle».

En cas de capitulation, Bakou a proposé des pourparlers «avec les représentants de la population arménienne du Karabakh à Yevlakh», une ville azerbaïdjanaise. Avant cela, les autorités du Karabakh avaient réclamé un cessez-le-feu immédiat et des négociations.

Plus de 20 morts

Les combats ont fait au moins 25 morts, dont deux civils, dans cette région et la population de six localités y a été évacuée, selon les autorités séparatistes arméniennes. De son côté, l'Azerbaïdjan a annoncé la mort d'un civil, tué «par des éclats d'obus à la suite d'une attaque des forces armées arméniennes».

Les séparatistes affirment que plusieurs villes du Nagorny Karabakh, dont sa capitale Stepanakert, sont ciblées par des «tirs intensifs», qui visent aussi des infrastructures civiles. Les affrontements ont lieu «sur toute la ligne de contact» de ce territoire et les forces de Bakou ont recours à l'«artillerie», à des roquettes, à des drones d'attaque, à des avions de combat, a raconté l'armée séparatiste.

La diplomatie arménienne a dénoncé une «agression de grande ampleur» à des fins de «nettoyage ethnique». Elle a aussi jugé que la Russie, garante d'un cessez-le-feu datant de 2020 avec des forces de la paix sur le terrain, devait «stopper l'agression azerbaïdjanaise».

L'Arménie a dit ne pas avoir de troupes au Karabakh, laissant entendre que les forces séparatistes étaient seules face aux soldats azerbaïdjanais.

«Opérations antiterroristes»

A Bakou, le ministère de la Défense avait annoncé dans la matinée le déclenchement d'«opérations antiterroristes» après la mort de six Azerbaïdjanais – dont quatre policiers – dans l'explosion de mines sur le site d'un tunnel en construction entre Choucha et Fizouli, deux villes du Nagorny Karabakh sous contrôle de l'Azerbaïdjan.

Les services de sécurité azerbaïdjanais pensent qu'un groupe de «saboteurs» séparatistes arméniens a posé ces engins explosifs.

L'inaction de la communauté internationale pour parvenir à un accord de paix durable au Nagorny Karabakh est à l'origine de l'offensive azerbaïdjanaise, ont quant à eux déclaré les séparatistes arméniens.

Tensions

Les tensions s'aggravent depuis des mois autour de ce territoire sécessionniste d'Azerbaïdjan en majorité peuplé d'Arméniens, qui a déjà été au coeur de deux guerres entre Erevan et Bakou. La première avait duré de 1988 à 1994, celle de l'automne 2000 s'était arrêtée au bout de six semaines.

Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a quant à lui accusé les Azerbaïdjanais de vouloir «entraîner l'Arménie dans les hostilités». La situation à la frontière arméno-azerbaïdjanaise est pour l'heure «stable», a-t-il néanmoins précisé.

M. Pachinian a par ailleurs dénoncé des appels à un «coup d'Etat» en Arménie, où des heurts ont opposé des manifestants le qualifiant de «traître» et exigeant sa démission aux forces de l'ordre devant le siège du gouvernement.

L'opposition arménienne a tenté à plusieurs reprises ces trois dernières années d'obtenir le départ du Premier ministre arménien, l'accusant d'être responsable de la défaite militaire dans la guerre de 2020 au Nagorny Karabakh.

Inquiétudes internationales

Bakou a précisé avoir informé de ses opérations à la fois la Russie – qui a ensuite assuré n'avoir été prévenue que «quelques minutes» avant leur commencement – et la Turquie. «Préoccupé», le Kremlin a dit essayer de convaincre l'Arménie et l'Azerbaïdjan de retourner «à la table des négociations», tandis que la mission de maintien de la paix russe dans ce territoire contesté s'est prononcée pour un cessez-le-feu «immédiat».

Quant à la Turquie, qui a qualifié de «légitimes» les préoccupations ayant amené l'Azerbaïdjan à se lancer dans une action militaire, elle a également exhorté, en parallèle, à la «poursuite du processus de négociations entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie».

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a appelé Bakou «à cesser immédiatement» son offensive. «Ces actions aggravent une situation humanitaire déjà difficile (...) et sapent les perspectives de paix», a-t-il affirmé, soulignant que le recours à la force était «inacceptable».

La France a demandé une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies et jugé «illégale, injustifiable, inacceptable» l'attaque azerbaïdjanaise. Le président du Conseil européen Charles Michel a quant à lui estimé que l'Azerbaïdjan devait «immédiatement» cesser son opération.

Le conflit de 2020 avait débouché sur une déroute militaire arménienne, Erevan ayant dû céder des territoires dans et autour du Nagorny Karabakh. Un cessez-le-feu, négocié par la Russie, avait été signé, sans jamais qu'on aboutisse à un accord de paix.