Les Kurdes de Syrie ont rejeté mercredi l'instauration d'une "zone de sécurité" sous contrôle de la Turquie dans le nord du pays. Une initiative évoquée par Ankara en partenariat avec Washington, qui cherche à atténuer les conséquences du départ de ses troupes.
Depuis mi-décembre, la Turquie est revenue à la charge contre la principale milice kurde de Syrie, les Unités de protection du peuple (YPG), menaçant de lancer une nouvelle offensive dans le nord syrien pour déloger les combattants de sa frontière.
Dans ce contexte délicat, Washington, allié stratégique de la Turquie au sein de l'Otan, mais également partenaire des YPG dans la lutte contre les djihadistes du groupe Etat islamique (EI), se retrouve pris en étau.
Donald Trump a récemment évoqué la création d'une "zone de sécurité" de 30 km en Syrie, et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan a assuré mardi que l'idée était de laisser la Turquie se charger de cette initiative.
L'idée semble d'autant plus problématique que ce secteur pourrait englober plusieurs villes dominées par la communauté kurde directement à la frontière, à l'instar de Kobané ou encore Qamichli.
La Turquie, partie prenante au conflit
La proposition a été rejetée en bloc par l'influent politicien kurde Aldar Khalil, haut responsable de l'administration semi-autonome mise en place par la minorité. "La Turquie n'est pas neutre, c'est une partie prenante au conflit (...) et toute partie (prenante) ne peut pas être un garant de la sécurité", a indiqué M. Khalil.
"Il peut y avoir une ligne de démarcation entre la Turquie et le nord syrien avec des forces de maintien de la paix de l'ONU (...). Tout autre choix est inacceptable", a-t-il souligné.
"Donald Trump veut mettre en place ces zones de sécurité en coopérant avec la Turquie, mais n'importe quel rôle turc va changer l'équilibre et la région ne sera pas sûre", a insisté M. Khalil.
Le chef d'état-major turc devait rencontrer son homologue des Etats-Unis mercredi à Bruxelles pour définir les "modalités" de cette "zone de sécurité" qui serait contrôlée par Ankara, selon le porte-parole de M. Erdogan, Ibrahim Kalin.
Damas doit reprendre le contrôle
Semblant rejeter une telle zone, Moscou, soutien indéfectible du président Bachar al-Assad, a estimé mercredi que Damas devait reprendre le contrôle du nord du pays après le retrait de Washington attendu.
"L'issue optimale, et la seule qui soit juste, est un passage de ces territoires sous contrôle du gouvernement syrien", a assuré le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.
Pour des experts, l'annonce de Donald Trump a semé la confusion. "Ce n'est pas très clair ce qu'il voulait vraiment dire, et jusqu'à présent, il n'y a aucune clarification de l'administration américaine", commente Mutlu Civiroglu, spécialiste de la politique kurde.
Crainte de lâchage américain
Les tensions entre les Kurdes syriens et la Turquie sont exacerbées par l'annonce de Donald Trump, en décembre, du retrait des quelque 2000 soldats américains déployés en Syrie pour lutter contre l'EI aux côtés des forces kurdes.
L'annonce a pris de court les forces kurdes, qui craignent un lâchage. Et quand Washington a tenté de les rassurer en réclamant des garanties concernant leur sécurité, c'est Ankara qui s'est mise en colère.
De son côté, Damas a qualifié d'"irresponsables" les déclarations de M. Erdogan sur une zone de sécurité en territoire syrien, en dénonçant une "agression".
Ankara considère les YPG comme une "organisation terroriste" et désapprouve l'autonomie de facto acquise par les Kurdes à la faveur du conflit syrien, craignant que cela ne galvanise les velléités indépendantistes de la minorité sur son propre territoire.
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