Manque de place L'Hexagone toujours malade de ses prisons

ATS

12.11.2022 - 09:52

Des maisons d'arrêt surpeuplées à plus de 140% et une inflation qui ne faiblit pas: près de trois ans après sa condamnation par la justice européenne pour sa surpopulation carcérale, la France n'a toujours pas endigué ce mal endémique.

Au rythme de progression actuel, le record absolu de 72'575 personnes incarcérées atteint en mars 2020 devrait être prochainement dépassé (Photo prétexte).
Au rythme de progression actuel, le record absolu de 72'575 personnes incarcérées atteint en mars 2020 devrait être prochainement dépassé (Photo prétexte).
KEYSTONE/URS FLUEELER

Keystone-SDA

Selon les dernières données officielles, les prisons françaises comptaient 72'350 détenus pour quelque 60'000 places au 1er octobre, soit 3177 de plus en un an et 13'655 de plus qu'en juin 2020, quand la crise sanitaire avait entraîné une chute drastique du nombre de prisonniers.

Au rythme de progression actuel, le record absolu de 72'575 personnes incarcérées atteint en mars 2020 à la veille de la mise sous cloche du pays, devrait être prochainement dépassé.

Une évolution à rebours

Une évolution à rebours de celle des voisins européens de la France, qui ont vu en dix ans reculer leur taux d'incarcération, notamment en Allemagne (-12,9%) et aux Pays-Bas (-17,4%).

«Il y a une exception répressive française», juge Matthieu Quinquis, président de l'Observatoire international des prisons (OIP), et cette «augmentation folle de la répression ne correspond pas à une hausse de la délinquance».

En France, «la prison reste la reine des peines», note aussi Dominique Simonnot, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), qui s'insurge contre une «passion française d'enfermer».

Dans un discours à Agen en 2018, Emmanuel Macron avait lui-même regretté que l'emprisonnement reste «la solution qui contente symboliquement le plus de monde, ce qui évite de s'interroger sur le sens que cela recouvre».

France condamnée par la CDEH

Organisations syndicales et associations déplorent toutefois depuis l'absence de «volonté politique» pour endiguer ce surpeuplement chronique, que la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) avait qualifié de «structurel» en condamnant la France en janvier 2020.

Dans son «plan d'action» contre la surpopulation carcérale adressé à l'Europe, le gouvernement français met en avant la construction de 15'000 nouvelles places de prison d'ici 2027 et assure que le recours accru aux mesures alternatives à la détention «produira tous ses effets dans les prochains mois».

«Soixante pages pour dire que tout va bien. C'est une incantation permanente», raille Matthieu Quinquis.

En trois ans, le quantum des peines prononcées a «augmenté de 11%» et le recours à la détention provisoire – avant jugement – reste «extrêmement important», note le président de l'OIP.

Double injonction

Les juges sont tiraillés entre l'injonction de «vider les prisons» et la création de nouvelles infractions ou l'aggravation de leur répression, souligne la magistrate.

«Si l'objectif politique est de limiter la surpopulation carcérale, il faut nous donner les outils juridiques pour le faire», abonde Samra Lambert, du Syndicat de la magistrature (SM, gauche).

Avec d'autres, le syndicat milite de longue date pour un mécanisme national et contraignant de régulation qui limiterait les taux d'occupation de chaque prison à 100%.

Plusieurs dispositifs ont été expérimentés, notamment à Grenoble (sud-est) où le seuil d'alerte avait été fixé à 130%. Mais sans valeur contraignante, ils ont «été voués à l'échec», affirme-t-on au Syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP-CFDT).