«En mission contre l'establishment»L'immixtion de Musk dans la politique britannique crée des remous
ATS
19.12.2024 - 07:40
Elon Musk s'intéresse de près à la politique britannique. Et cela commence à inquiéter au Royaume-Uni, aussi bien au sein du gouvernement travailliste, sa cible privilégiée, que chez les conservateurs, qui voient d'un mauvais oeil sa proximité avec l'extrême droite locale.
Keystone-SDA
19.12.2024, 07:40
ATS
Des craintes d'autant plus vives que le propriétaire de X, proche de Donald Trump, est amené à occuper des fonctions officielles dans la prochaine administration républicaine.
Lundi, le député Nigel Farage, chef du parti d'extrême droite Reform UK, a rencontré le milliardaire américain dans la résidence de Donald Trump en Floride. Il a affirmé sur la BBC que le propriétaire de X voulait «aider» son parti.
Elon Musk a «décrit le parti travailliste et le parti conservateur comme un parti unique, et ne nous a laissé aucun doute sur le fait qu'il était derrière nous», a écrit M. Farage, également proche de Donald Trump, dans une tribune au Daily Telegraph mercredi.
Risque pour les Tories
Il y a quelques semaines, l'éventualité d'un don de cent millions de dollars de l'homme le plus riche du monde à Reform UK a fait bondir les conservateurs, qui appréhendent ce rapprochement. Le vice-président des Tories, Dominic Johnson, a accusé Elon Musk «d'acheter» le parti de Nigel Farage, dont la poussée aux dernières législatives a contribué à la débâcle des conservateurs, et qui affiche ses ambitions pour les prochaines législatives en 2029.
Le risque pour les Tories de se faire dépasser par l'extrême droite est bien réel, suivant une tendance observée en Europe, estime Russell Foster, professeur de Sciences politiques au King's College.
«Les gens comme Elon Musk, Donald Trump, Nigel Farage (...) détestent vraiment la droite traditionnelle» qu'ils accusent notamment d'être devenue trop libérale sur les sujets sociétaux. Les partis conservateurs en difficulté en Europe «n'ont pas été détruits par la gauche ou le centre, ils l'ont été parce que des mouvements encore plus à droite se sont développés», ajoute-t-il.
Etat «tyrannique»
Pour l'instant, c'est surtout au gouvernement travailliste de Keir Starmer qu'Elon Musk s'attaque sur son réseau social X. Et ce depuis les émeutes anti-migrants et islamophobes qui ont éclaté l'été dernier au Royaume-Uni. Le fondateur de Space X a estimé qu'une «guerre civile» était «inévitable» dans ce pays et accusé le gouvernement de réprimer trop durement les émeutiers.
Un discours très populaire parmi les influenceurs d'extrême droite britanniques, qui ont été réadmis sur X depuis son rachat par M. Musk en 2022.
Il a aussi déconseillé aux gens d'aller au Royaume-Uni, accusant le gouvernement, obligé de libérer certains détenus faute de place en prison, de «relâcher des pédophiles pour faire de la place aux personnes condamnées pour leurs messages sur les réseaux sociaux». Et il a soutenu sur X une pétition en faveur de nouvelles élections législatives, accusant les travaillistes de diriger «un Etat policier tyrannique».
M. Musk «semble croire qu'il est en mission contre l'establishment», souligne Russell Foster, et cela porte «dans un contexte où les Britanniques n'ont plus confiance dans leur gouvernement, leurs institutions».
Législation sur les réseaux sociaux
Pour certains observateurs, il serait aussi motivé par la volonté du gouvernement britannique de durcir la législation sur les réseaux sociaux. Cet été, dans la foulée des émeutes anti-immigration, Keir Starmer a dénoncé des violences «clairement alimentées en ligne».
Keir Starmer n'a ensuite pas convié Elon Musk à un sommet sur les investissements étrangers en septembre. Un affront mal vécu par le milliardaire, selon des proches cités dans les médias. Mais la situation s'est compliquée depuis l'élection à la Maison Blanche de Donald Trump, dont Elon Musk est devenu inséparable.
D'autant que les travaillistes, historiquement plus proches des démocrates, ont fait des efforts ces derniers mois pour nouer des contacts avec les républicains. M. Starmer a notamment rencontré Donald Trump en septembre à New York.
Un porte-parole de Downing Street a assuré que le premier ministre britannique «était impatient de travailler avec le président Trump et toute son équipe, y compris Elon Musk».
«Ne pas s'aliéner Trump»
«Starmer est bien conscient qu'il ne peut s'aliéner le futur président américain» et que pour «maintenir cette 'relation spéciale', peu importe qui occupe la Maison Blanche, nous devons être agréable avec Washington», souligne Russell Foster.
L'ancien ministre travailliste Peter Mandelson, pressenti pour devenir ambassadeur aux Etats-Unis, a estimé qu'il n'était «pas sage» d'ignorer Elon Musk, appelant le Labour à «ravaler sa fierté» et à mettre fin à cette «querelle». Quitte, selon lui, à solliciter Nigel Farage pour renouer les liens avec le turbulent milliardaire.