TensionsTrump peut encore envenimer les rapports avec l'Iran
ATS
5.1.2021 - 08:53
L'Iran compte sur Joe Biden pour apaiser les tensions avec les Etats-Unis. Mais celles-ci pourraient encore dégénérer en conflit ouvert d'ici la fin du mandat de Donald Trump, qui se montre de plus en plus imprévisible.
L'Iran a annoncé lundi avoir entamé le processus destiné à produire de l'uranium enrichi à 20%, sa principale mesure de désengagement de l'accord nucléaire international de 2015 négocié avec l'ancien président Barack Obama.
Mais Téhéran a souligné qu'il s'agissait d'une mesure «réversible», qui pourrait être abandonnée si Joe Biden levait les lourdes sanctions imposées par Donald Trump, qui doit lui céder sa place le 20 janvier.
Les tensions entre les deux pays, aggravées depuis le retrait unilatéral des Etats-Unis de l'accord sur le programme nucléaire iranien en 2018, ont encore empiré avec l'assassinat du général iranien Qassem Soleimani dans une attaque américaine, il y a un an à Bagdad, que Téhéran a promis de «venger».
«Dissuasion schizophrénique»
Pour dissuader toute agression iranienne, les Etats-Unis ont envoyé ces derniers jours des bombardiers B-52 dans le Golfe, et finalement décidé d'y maintenir le porte-avions USS Nimitz, trois jours après avoir annoncé son rapatriement aux Etats-Unis.
Dans un communiqué publié dimanche soir, le ministre américain de la Défense par intérim, Christopher Miller, a justifié cette décision par des «menaces proférées par des dirigeants iraniens contre le président Donald Trump et d'autres responsables du gouvernement américain».
M. Miller avait annoncé le rapatriement du porte-avions jeudi, ce qui avait été présenté par des responsables américains comme un signal de «désescalade».
Pour Vipin Narang, politologue au Massachusetts Institute of Technology (MIT), «nous avons désormais une nouvelle forme de dissuasion: la dissuasion schizophrénique».
«Mauvais signal»
Au lieu d'une démonstration de force, le maintien du Nimitz dans le Golfe «pourrait bien envoyer le mauvais signal: le chaos total règne à Washington en ce moment, et si vous voulez tenter quelque chose (contre les Etats-unis), c'est peut-être le bon moment».
Le politologue juge qu'il y a peu de risques que les Etats-Unis se lancent dans une opération militaire mais il estime que Donald Trump, qui refuse toujours de concéder sa défaite, est de plus en plus imprévisible.
«Si j'étais l'Iran aujourd'hui, je penserais que Trump est tellement déséquilibré et furieux de sa défaite qu'il pourrait bien surréagir à la moindre provocation», ajoute-t-il.
Le président républicain a prévenu qu'il tiendrait l'Iran responsable si un Américain était tué en Irak, après une attaque à la roquette contre l'ambassade américaine à Bagdad attribuée à des paramilitaires pro-iraniens.
Mais l'anniversaire de la mort de Qassem Soleimani s'est déroulé sans violence dimanche, malgré des milliers de manifestants qui ont conspué les Etats-Unis.
Tactique de négociations
Les experts soulignent que la reprise de l'enrichissement de l'uranium annoncée par Téhéran est facilement réversible et que le niveau de 20% est loin d'être suffisant pour une arme nucléaire.
Corey Hinderstein, du centre de réflexion Nuclear Threat Initiative, pense que l'Iran cherche ainsi à focaliser l'attention sur son programme nucléaire et à décourager Joe Biden de chercher à élargir le débat.
Jake Sullivan, choisi par le démocrate comme conseiller à la sécurité nationale, a indiqué dimanche sur CNN qu'outre le programme nucléaire, la nouvelle administration américaine chercherait à limiter le programme de missiles balistiques de Téhéran.
«Je pense qu'avec cette annonce, les Iraniens signalent qu'ils sont capables de développer rapidement leurs activités nucléaires, et qu'ils pensent se donner ainsi la capacité de limiter les négociations à l'arrivée de la nouvelle administration», livre Mme Hinderstein.
«Malheureusement, nous ne savons pas très bien quels sont les motifs derrière les décisions de la fin de l'administration Trump», note-t-elle, qui «pourrait décider de considérer comme une dangereuse escalade» l'annonce iranienne de la production d'uranium enrichi à 20%.
Les alliés de Donald Trump eux-mêmes considèrent que l'Iran va attendre l'arrivée de M. Biden. «Je ne pense pas que les Iraniens vont faire quoi que ce soit», a jugé lundi Jack Keane, un général à la retraite qui apparait fréquemment sur Fox News. «Ils ne veulent rien faire qui réduirait les chances de négocier avec le président Biden, sur qui ils comptent pour lever les sanctions.»