Le patron de l'OMS a appelé mercredi à un moratoire sur les doses de rappel des vaccins anti-Covid pour mettre ces doses à disposition des pays qui n'ont pu immuniser qu'une partie infime de leur population. Les Etats-Unis ont d'ores et déjà rejeté cet appel.
«Nous avons un besoin urgent de renverser les choses: d'une majorité de vaccins allant dans les pays riches à une majorité allant dans les pays pauvres», a déclaré le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, lors d'un point de presse à Genève.
Il réagissait au fait que l'Allemagne et Israël ont d'ores et déjà annoncé des campagnes pour une troisième dose, pour les vaccins nécessitant deux doses initiales. Ces «booster doses» sont destinées notamment aux personnes âgées dont le système immunitaire ne produit pas toujours assez d'anticorps malgré la vaccination complète. En Suisse, la question d'éventuels rappels est encore à l'étude.
Le patron de l'agence onusienne a demandé que le moratoire dure «au moins jusqu'à la fin septembre» pour tenter d'atteindre un objectif qu'il avait fixé en mai: que 10% de la population de tous les pays du monde soit vaccinée contre le Covid-19, qui a fait officiellement plus de 4,2 millions de morts depuis la fin 2019.
Coopération de tous
«Pour y arriver, il nous faut la coopération de tout le monde, en particulier la poignée de pays et d'entreprises qui contrôlent la production mondiale de vaccins», a-t-il souligné. Il en a notamment appelé aux groupes pharmaceutiques pour qu'ils favorisent le système Covax, un système international mis en place pour tenter justement de lutter contre l'inégalité vaccinale et aider 92 pays pauvres à immuniser leur population.
Pour l'heure, Covax n'arrive pas à remplir sa mission faute de doses et n'a pu distribuer qu'une petite fraction de ce qui était initialement prévu faute de pouvoir acheter les vaccins nécessaires ou parce que l'approvisionnement a été bloqué par l'Inde pour combattre la pandémie chez elle.
Le système a toutefois pu bénéficier de dizaines de millions de doses de vaccins offerts par des pays qui en avaient trop – ou d'un type qui ne leur convenait pas – comme les Etats-Unis mais aussi la France et d'autres pays européens. Sur les 4 milliards de ces doses injectées dans le monde, 80% sont allées à des pays à revenu élevé ou moyen supérieur, alors qu'ils représentent moins de 50% de la population mondiale.
Le docteur Bruce Aylward, chargé de Covax au sein de l'OMS, a reconnu que fin septembre était un objectif ambitieux qui ne sera pas atteint si on continue au rythme actuel.
«Pas besoin» de choisir
Les Etats-Unis ont d'ores et déjà rejeté cet appel à un moratoire estimant qu'ils n'avaient «pas besoin» de choisir entre administrer une troisième dose à leurs citoyens ou en faire don à des pays pauvres.
Si Washington n'a pas à ce jour pris de décision sur l'administration de doses de rappels, Israël a lancé une campagne la semaine dernière pour donner une troisième dose aux plus de 60 ans et l'Allemagne compte lancer sa campagne dès le 1er septembre pour les personnes âgées et vulnérables.
«Notre objectif est double: nous voulons fournir une troisième vaccination à titre préventif aux personnes vulnérables en Allemagne et parallèlement apporter notre soutien pour une vaccination si possible de l'ensemble des populations dans le monde» en donnant des dizaines de millions de doses à Covax, a expliqué un porte-parole du ministère allemand de la santé à l'AFP.
Kate O'Brien, responsable des vaccins à l'OMS, s'est pour sa part interrogée sur l'utilité de la 3ème dose. «Nous n'avons pas d'éléments de preuve complets pour savoir si on en a besoin ou pas», a-t-elle dit.
«Le prix devrait baisser»
L'OMS a aussi demandé un effort aux entreprises sur un autre front: celui des prix. Pfizer et Moderna, qui ont produit en un temps record des vaccins à ARN messager, les plus efficaces sur le marché, vont augmenter les prix des doses pour l'Union européenne, parce qu'elles ont adapté leur sérums aux variants, selon un ministre français.
Mariangela Simao, chargée de l'accès aux médicaments à l'OMS, a rappelé qu'il était «très important que les entreprises pratiquent des prix abordables». «Dans une situation de marché normale les prix devraient baisser, pas augmenter», a-t-elle souligné, rappelant que Pfizer comme Moderna avaient non seulement réussi à augmenter leur production mais aussi leur productivité. «Nous enjoignons à ces entreprises de maintenir les prix bas et abordables», a-t-elle insisté.