RussieL'opposant Navalny condamné en appel et menacé de camp de travail
ats
20.2.2021 - 15:09
Le principal adversaire du Kremlin, Alexeï Navalny, visé par de multiples procédures judiciaires, a vu samedi sa peine d'emprisonnement confirmée en appel mais légèrement réduite à deux ans et demi. Il risque d'être transféré dans un camp de travail.
Il s'agit de la première longue peine de M. Navalny confirmée en appel en près d'une décennie de démêlés avec les autorités. Revenu en Russie en janvier d'une convalescence en Allemagne après un empoisonnement, Alexeï Navalny a été arrêté dès son arrivée. Il a ensuite écopé, le 2 février, de deux ans et huit mois d'emprisonnement.
Samedi, un juge moscovite a légèrement réduit cette sentence d'un mois et demi, en prenant en compte une période passée par l'opposant en assignation à résidence, selon une journaliste de l'AFP présente à l'audience. Au final, le militant anti-corruption de 44 ans devra purger une peine d'environ deux ans et demi de prison.
Dans cette affaire, la justice a converti une peine de prison avec sursis pour fraude datant de 2014 en sentence ferme, pour violation de contrôle judiciaire. Présent à l'audience, le visage souriant, l'opposant a rejeté l'accusation en disant n'avoir jamais voulu se dérober aux autorités russes en allant en Allemagne, et les avoir averties de son retour.
Défié la loi
La procureure, Elizaveta Frolova, a rétorqué en affirmant que l'opposant avait «ouvertement et effrontément» défié la loi. «Notre pays est bâti sur l'injustice», a lancé M. Navalny avant l'énoncé du verdict. Se disant croyant, il a également cité la Bible: «Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.»
Une porte-parole du palais de justice de Moscou a indiqué vendredi à l'AFP que les services pénitentiaires seraient libres, en cas de confirmation de son emprisonnement, de transférer l'opposant vers un camp de travail.
Héritage de l'Union soviétique, la plupart des peines d'emprisonnement en Russie sont effectuées dans des camps pénitentiaires situés parfois loin de tout. Le travail des détenus, habituellement dans des ateliers de couture ou de fabrication de meubles, y est obligatoire.
Appel en cassation
Dénonçant une décision «attendue», l'un des avocats de M. Navalny, Vadim Kobzev, a indiqué que son client allait faire appel en cassation. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a soutenu pour sa part que cette sentence n'allait pas changer le paysage politique «riche et pluraliste» de la Russie en amont des élections législatives de septembre.
Alexeï Navalny comparaissait aussi samedi après-midi devant une autre juge dans un procès pour «diffamation» d'un ancien combattant de la Seconde guerre mondiale. Le Parquet a requis dans ce dossier 950'000 roubles d'amende (12'000 francs environ) et réclamé lui aussi que le sursis de l'opposant soit converti en prison ferme.
Ces deux audiences interviennent alors que la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a demandé cette semaine la libération du militant, arguant d'un risque pour sa vie. Cette décision a été immédiatement rejetée par Moscou.
Kremlin dénoncé
Alexeï Navalny, dont l'incarcération en janvier avait conduit à trois journées de manifestations réprimées, dénonce des procédures montées de toutes pièces et a passé les audiences précédentes à défier la cour. Selon lui, le Kremlin veut le jeter en prison pour le faire taire, après avoir échoué à le tuer en l'empoisonnant l'été dernier, ce que Moscou dément.
D'autres affaires sont en cours contre M. Navalny. Une enquête pour escroquerie, passible de 10 ans de prison, le vise notamment. L'Union européenne et les Etats-Unis ont multiplié les appels à le libérer, tandis que ses collaborateurs ont exhorté les Occidentaux à sanctionner des responsables russes et proches de Vladimir Poutine.