Haute surveillanceL'UE veut réfréner la fuite des vaccins anti-Covid
ATS
24.3.2021 - 21:10
L'UE a décidé mercredi de placer sous haute surveillance les exportations de vaccins anti-Covid produits sur son sol, afin d'empêcher la fuite vers d'autres pays des doses nécessaires aux Européens. Un durcissement observé avec réserve par certains Etats membres.
Keystone-SDA
24.03.2021, 21:10
24.03.2021, 21:17
ATS
Le Royaume-Uni – premier destinataire des doses exportées par l'UE-- a mis en garde contre des «blocus arbitraires», avant de jouer l'apaisement. Londres et Bruxelles ont assuré travailler à «des mesures spécifiques» pour trouver une «solution mutuellement bénéfique» sur les approvisionnements de vaccins, dans un communiqué commun.
Malgré «une très grave situation épidémiologique», l'UE «continue d'exporter des volumes importants vers des pays» produisant leurs propres vaccins ou ayant déjà largement vacciné leur population, a déclaré le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis, en dévoilant les nouvelles restrictions.
Deux ajustements
L'exécutif européen a «adopté deux ajustements au mécanisme actuel» de contrôle des exportations pour «résoudre ces déséquilibres» et «garantir» les approvisionnements des Vingt-Sept, a-t-il annoncé.
Bruxelles avait déjà mis en place fin janvier un dispositif prévoyant, avant toute exportation de vaccins, le feu vert de l'Etat membre d'où partent les doses et de la Commission.
Depuis, 380 autorisations ont été délivrées pour 43 millions de doses vers 33 pays – avec un seul refus, une livraison d'AstraZeneca à destination de l'Australie, depuis l'Italie -, selon un nouveau bilan mercredi.
«Dans les deux sens»
L'UE «exporte à grande échelle» mais «les routes doivent être empruntées dans les deux sens», a averti la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.
Alors que certains pays tiers bloquent les exportations de doses vers l'UE «soit par la loi, soit par des arrangements contractuels avec des fabricants», le règlement révisé impose un principe de «réciprocité», que Bruxelles entend opposer à Londres.
L'UE a exporté quelque 10 millions de doses, tous vaccins confondus, vers le Royaume-Uni mais n'a reçu en retour aucune dose produite outre-Manche, alors que le contrat signé par AstraZeneca prévoyait la livraison de doses provenant de deux usines britanniques.
L'entreprise avait expliqué que son contrat avec Londres l'obligeait à honorer en priorité les commandes britanniques.
Intenses discussions
D'intenses discussions sont en cours entre Bruxelles et Londres pour trouver un compromis, notamment sur les débouchés d'une usine produisant le vaccin AstraZeneca aux Pays-Bas. Celle-ci pourrait fournir l'UE dès fin mars, après son homologation, selon Bruxelles.
Autre critère désormais pris en compte pour encadrer les exportations européennes: la «proportionnalité». Il s'agit d'"examiner la situation épidémiologique du pays de destination, son taux de vaccination ou la disponibilité sur place de vaccins anti-Covid», a expliqué M. Dombrovskis.
Les Etats sont appelés à «refuser en conséquence» les exportations vers des pays où les campagnes de vaccination sont déjà très avancées.
Eviter les contournements
Enfin, alors que 17 Etats (notamment voisins, de la Suisse aux Balkans) étaient jusqu'alors exemptés de contrôle, ces exceptions sont suspendues en dehors d'une poignée de micro-Etats comme Saint-Marin, Andorre et les Îles Féroé.
Cela vise à éviter qu'une entreprise «contourne» une interdiction en faisant transiter par un autre pays les doses bloquées par l'UE, précise une source européenne. En revanche, l'initiative internationale Covax à destination des pays à bas revenus ne sera pas affectée, assure Bruxelles.
Le respect des engagements des laboratoires sera aussi pris «en considération» dans le mécanisme révisé, mais une différence sera faite entre ceux «en bonne voie» d'honorer les contrats et ceux dont les résultats sont «médiocres», a souligné M. Dombrovskis.
Une disposition qui vise implicitement AstraZeneca, dont Bruxelles a menacé de bloquer les exportations si l'UE ne recevait pas d'abord les approvisionnements promis.
Risques de rétorsion ?
Le laboratoire suédo-britannique prévoit de livrer au deuxième trimestre 70 millions de doses aux Européens, contre 180 millions prévues dans le contrat signé.
La découverte d'un stock de 29 millions de doses d'AstraZeneca sur un site de conditionnement en Italie a alimenté mercredi la défiance, bien qu'AstraZeneca assure que 16 millions étaient destinées aux Européens et 13 millions à Covax.
Le durcissement du contrôle des exportations, qui relève d'une compétence exclusive de la Commission, était accueilli avec circonspection par les Etats membres, à la veille d'un sommet des Vingt-Sept consacré pour partie à la crise sanitaire.
Belgique, Pays-Bas et Allemagne se sont ainsi alarmés de possibles mesures de rétorsion ailleurs dans le monde, qui entraveraient l'approvisionnement des chaînes de production de vaccins très internationalisées.