«Des affirmations sans preuve» La fille du dissident irano-allemand exécuté demande des «preuves» de sa mort

AFP

4.11.2024

La famille de Jamshid Sharmahd, un dissident iranien naturalisé allemand exécuté il y a une semaine, selon les autorités judiciaires iraniennes, réclame des «preuves» de sa mort, a déclaré sa fille Gazelle Sharmahd à l'AFP.

Sur une photo prise lors d'une manifestation devant le ministère des Affaires étrangères, on peut voir Djamshid Sharmahd, un germano-iranien exécuté en Iran. Malgré les critiques internationales sur sa condamnation à mort, ce double national a été exécuté pour des accusations de terrorisme
Sur une photo prise lors d'une manifestation devant le ministère des Affaires étrangères, on peut voir Djamshid Sharmahd, un germano-iranien exécuté en Iran. Malgré les critiques internationales sur sa condamnation à mort, ce double national a été exécuté pour des accusations de terrorisme
KEYSTONE

AFP

L'organe de presse du pouvoir judiciaire iranien, Mizan, a annoncé l'exécution, le 28 octobre, de cet homme âgé de 69 ans qui avait été condamné à mort en février 2023 pour son implication présumée dans un attentat en avril 2008 contre une mosquée à Chiraz (sud) ayant fait 14 morts et quelque 300 blessés.

L'annonce de l'exécution de M. Sharmahd a entraîné des réactions indignées et conduit l'Allemagne a fermer les trois consulats iraniens sur son sol, tout en maintenant son ambassade à Téhéran.

Dans un entretien téléphonique avec l'AFP, Gazelle Sharmahd, qui vit aux Etats-Unis, a souligné que la famille du dissident n'avait aucune indication concernant son exécution et le sort réservé à sa dépouille.

«Nous attendons la vérification par les Allemands et les Américains de ce qui est arrivé à cet otage germano-américain. Tout ce que nous avons sont des affirmations sans preuve», a-t-elle dit.

Jamshid Sharmahd, un militant de la mouvance de l'opposition monarchiste iranienne, a été capturé en 2020 pendant qu'il était en transit aux Emirats arabes unis et jugé et condamné en Iran, selon sa famille, qui estime qu'il devrait également être considéré comme de nationalité américaine car il résidait aux Etats-Unis.

«Nombreuses possibilités»

«Il y a de nombreuses possibilités sur ce qui a pu se passer. Il pourrait avoir été empoisonné, il pourrait être mort des suites de mauvais traitements après 1.500 jours de détention à l'isolement... Il pourrait avoir été pendu. Il pourrait être vivant. Nous ne savons pas», a poursuivi Mme Sharmahd.

«A moins de preuves, nous ne pouvons pas tirer de conclusions hâtives» sur sa mort, a-t-elle ajouté.

Avant même l'annonce de son exécution, le cas de M. Sharmahd était entouré d'incertitude. Il n'y a aucun témoignage de détenus qui auraient pu le côtoyer, alors même que les binationaux se croisent régulièrement dans les couloirs de la prison d'Evin à Téhéran. Au cours de sa captivité, il a pu passer quelques appels téléphoniques à sa famille mais n'a jamais été autorisé à révéler le lieu de sa détention.

Gazelle Sharmahd souligne que l'exécution de son père a été annoncée par Mizan Online tard le soir, alors que les exécutions ont toujours lieu à l'aube et sont annoncées peu de temps après.

«Il est maintenant de la responsabilité de l'Allemagne et des Etats-Unis d'exiger le transfert du corps à la famille. S'il y a une dépouille mortelle, elle doit être rendue le plus tôt possible», a-t-elle insisté.

«Complices»

La famille de Jamshid Sharmahd a toujours réfuté l'implication de ce dernier dans l'attentat de 2008.

Le dissident avait participé à la création aux Etats-Unis d'un site internet et d'une radio d'un groupe d'opposition.

Le groupe de travail de l'ONU sur les détentions arbitraires a estimé qu'il avait été victime d'une arrestation «arbitraire» pour la seule raison qu'il avait exercé «son droit légitime de liberté d'opinion et d'expression».

La fermeture des trois consulats iraniens en Allemagne n'est pas suffisante, considère Gazelle Sharmahd, qui a fustigé Berlin et Washington pour leur «inaction».

«Cela aurait dû être fait il y a quatre ans (au moment de sa capture, ndlr). Est-ce que c'est suffisant aujourd'hui ? Non. Si nous ne comprenons pas que nous ne devons pas avoir d'ambassades, de relations d'affaires ou de négociations avec les terroristes islamiques, alors je ne sais pas ce que nous allons faire», a-t-elle ajouté.

«Les deux gouvernements (américain et allemand) ont eu de nombreuses occasions de faire sortir mon père ou au moins de faire commuer sa sentence de mort. Ils sont complices», a-t-elle accusé.

La ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock a assuré que son pays avait travaillé «sans relâche» pour éviter l'exécution et expliqué que Berlin maintenait son ambassade à Téhéran et ses «canaux diplomatiques» avec l'Iran, notamment pour défendre les «autres Allemands» que le «régime détient injustement».

Plusieurs Européens ou binationaux sont détenus dans les geôles iraniennes. ONG et chancelleries occidentales accusent Téhéran de pratiquer une «diplomatie des otages».

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