France La gauche pousse pour appliquer son programme de rupture

ATS

9.7.2024 - 13:51

L'alliance de gauche, arrivée en tête des législatives en France sans majorité absolue, a revendiqué mardi le droit d'appliquer son programme. Quitte à nouer des alliances au coup par coup, en attendant de parvenir à désigner quelqu'un pour diriger le gouvernement.

Keystone-SDA

Des négociations serrées se poursuivent alors que le camp macroniste n'a lui pas complètement exclu de composer une nouvelle équipe avec la droite républicaine.

Le président Emmanuel Macron, qui, de son côté, ne s'est toujours pas exprimé depuis les résultats, s'apprête à partir pour le sommet de l'Otan à Washington.

Dimanche, le pays s'attendait à une déferlante de l'extrême droite, mais c'est une poussée surprise du Nouveau Front populaire (NFP) que les électeurs, très mobilisés avec 66,63% de participation, ont placé en tête, hétéroclite alliance de la gauche radicale, des communistes, des socialistes et des écologistes.

«Construire des coalitions à l'Assemblée»

Ceux qui, hier, se querellaient quotidiennement, doivent maintenant s'entendre, à commencer par la désignation d'une figure consensuelle pour incarner leur projet. Un nom pourrait sortir du chapeau d'ici la fin de semaine, ou le début de la semaine prochaine.

Mardi, en faisant les uns après les autres leur entrée à l'Assemblée nationale, les députés de gauche ont semblé exclure d'élargir leur base politique et renoncer à rallier le centre droit, alors même qu'ils ne disposent que de 190 députés, loin de la majorité absolue (289).

«Je ne pense pas qu'on soit en situation aujourd'hui d'avoir une coalition plus large au gouvernement que le Nouveau Front populaire», a déclaré sur la chaîne privée TF1 le sénateur écologiste Yannick Jadot, pour qui «les coalitions vont se construire à l'Assemblée».

Quant au coordinateur de La France insoumise (LFI, gauche radicale) Manuel Bompard, il a prévenu que la gauche appliquerait son programme et qu'il reviendrait à «chacun des groupes de prendre ses responsabilités, (...) soit de voter nos propositions, soit (...) de nous renverser».

Détricoter des mesures phares

La coalition veut notamment revenir sur plusieurs mesures phares passées par le camp présidentiel, à commencer par la réforme des retraites, texte très impopulaire du deuxième quinquennat Macron.

L'union des gauches prévoit aussi l'abrogation d'une loi immigration et d'une énième réforme de l'assurance chômage, ainsi que l'augmentation du salaire minimum.

Note de crédit menacée

L'agence de notation Moody's a prévenu mardi que l'abrogation de la réforme des retraites et l'absence de mesures d'économies budgétaires pourraient peser sur la notation de la France. Sans majorité claire, «voter des lois sera certainement difficile», a-t-elle ausi jugé.

La note de crédit de la France serait «sous pression» si le pays ne parvenait «pas à réduire son important déficit public», qui a fortement dérapé l'an dernier à 5,5% du PIB en 2023, a prévenu l'agence de crédit S&P Global.

Lundi, le président Emmanuel Macron a anticipé des discussions longues et tortueuses, demandant à son chef de gouvernement démissionnaire Gabriel Attal de rester en poste pour «assurer la stabilité du pays», alors que Paris accueille les Jeux olympiques dans moins de trois semaines.

Pour la France, habituée à la relative stabilité politique grâce à sa constitution de 1958, la situation est inédite.

Le NFP ne peut pas gouverner seul

A l'alliance de gauche s'oppose un solide camp macroniste (autour de 160 sièges), une droite républicaine qui pourrait jouer un rôle pivot avec quelque 66 sièges et l'extrême droite du Rassemblement national (RN) qui, avec ses alliés (plus de 140 sièges), entend préparer la présidentielle de 2027.

Les partis de gauche «ne peuvent pas prétendre gouverner à eux tous seuls», a estimé mardi la présidente de l'Assemblée sortante Yaël Braun-Pivet, rappelant que le Nouveau Front populaire était «très loin» de la majorité.

«Nous sommes capables de représenter une autre force politique alternative», a-t-elle ajouté, appelant à «construire une feuille de route commune» avec «tous les partis qui souhaitaient que l'on travaille ensemble, des Républicains à la gauche sociale-démocrate».

Attal veut rester au centre du jeu

Décidé à rester au centre du jeu après une campagne qui a évité la déroute au camp présidentiel, Gabriel Attal réunit mardi les députés de la majorité.

Quant à l'extrême droite, elle accuse le coup après avoir espéré que son président Jordan Bardella, 28 ans, deviendrait Premier ministre. Lundi, ce dernier a reconnu des «erreurs» dans sa campagne, marquée par les dérapages racistes et autres manifestations d'incompétence de nombreux candidats RN.

Le parti, dont la cheffe de file Marine Le Pen vise la présidentielle après avoir été battue trois fois à cette élection depuis 2012, entend bien marquer l'Assemblée nationale de son empreinte.

Mardi, les députés de gauche ont appelé à empêcher le RN d'accéder aux postes stratégiques de l'Assemblée ce que les députés RN ont dénoncé comme «antidémocratique».

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09.07.2024