Stupeur en macronie La guerre est déclarée entre Édouard Philippe et Emmanuel Macron

Basile Mermoud

17.10.2025

La rupture était déjà consommée, la guerre est désormais déclarée entre Edouard Philippe et Emmanuel Macron, à nouveau incité à quitter l’Élysée avant le terme de son mandat au nom de «la stabilité de l'Etat», une première pour un président de la part d'un de ses anciens Premiers ministres.

Un départ «ordonné» est «la seule décision digne qui permet d'éviter dix-huit mois d'indétermination et de crise», a martelé Édouard Philippe (archive).
Un départ «ordonné» est «la seule décision digne qui permet d'éviter dix-huit mois d'indétermination et de crise», a martelé Édouard Philippe (archive).
AFP

Agence France-Presse

La première sortie d’Édouard Philippe, suggérant le 7 octobre sur RTL une démission anticipée du président, avait déjà provoqué de très vives réactions. «Quelques rats quittent le navire», a tempêté l'ancien garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti. «Ca, on ne peut pas lui pardonner», prévient, «sidéré», un proche du chef de l’État, pour qui le patron d'Horizons a déjà «perdu l'élection présidentielle» car «il lui manquera toujours 3, 4% de gens qui s'en souviendront» chez les électeurs d'Emmanuel Macron.

Au sommet de l’État également, on fulminait cette semaine, contre une «déclaration irresponsable», empreinte d'«inélégance» sur la forme, digne de Jean-Luc Mélenchon sur le fond, en considérant que «si on rentre dans cette logique», «aucun successeur» d'Emmanuel Macron «ne finira son mandat».

L’«exemple» de Charles De Gaulle

C'était sans compter sur la deuxième lame, jeudi sur France 2. Un départ «ordonné» est «la seule décision digne qui permet d'éviter dix-huit mois d'indétermination et de crise», a martelé Édouard Philippe. Qui «ne doi[t] rien» à Emmanuel Macron, cinq ans après son départ de Matignon.

«J'entends le président de la République dire qu'il est le garant de la stabilité. Mais objectivement, qui a créé cette situation de très grande instabilité?», a asséné le maire du Havre, renvoyant M. Macron à l'«exemple» du fondateur de la Ve République, Charles De Gaulle, qui a démissionné en 1969.

Chez Horizons, l'idée d'un président empêché n'est pas vraiment nouvelle. Lorsqu'il s'avance vers l’Élysée dans les colonnes du Point en septembre 2023, Édouard Philippe, adepte des formules ciselées, se dit candidat «à la prochaine élection présidentielle».

Un soutien invoque alors Georges Pompidou, ancien Premier ministre de De Gaulle qui, depuis Rome en janvier 1969, évoqua sa candidature si le Général «se retirait». Furieux, De Gaulle publiait un communiqué rappelant son «intention» de «remplir [son] mandat jusqu'à son terme». Trois mois plus tard, battu lors d'un référendum, il démissionnait.

«Ca devient crédible»

Une référence rappelant la hardiesse de l'entreprise: succéder à un président de son propre camp. Une démarche qui illustre aussi le fossé entre Emmanuel Macron et son premier chef du gouvernement, nommé en 2017 dans le dessein de fracturer la droite.

«Vous vous fabriquez un concurrent», avait alors objecté François Bayrou au président. Les relations ne se sont pas réchauffées quand Édouard Philippe créa son parti en 2021. Elles devinrent polaires après la «funeste» dissolution de 2024.

Rien de personnel, à l'en croire. «Ce que propose Édouard Philippe, c'est qu'on se donne le temps d'une campagne. Le contraire d'une démission soudaine avec un délai de campagne très réduit, entre 20 et 35 jours», expose le patron des députés Horizons, Paul Christophe, persuadé qu'avec un débat plus long, «le président nouvellement élu aura une majorité à l'Assemblée».

«Le pire des scénarios»

Réflexe paniqué d'un candidat en perte de vitesse, craignant de disparaître avec la macronie en cas de nouvelle dissolution, répliquent ses détracteurs. «Qu'il y ait une forme d'opportunisme politique, peut-être. Mais je crois qu'il pense sincèrement que c'est la meilleure voie de sortie», modère un ministre, pourtant indéfectible soutien du président.

Mais la démarche reste dangereuse. Car les appels à la démission, «quand c'est Marine Le Pen ou Mélenchon, on ne prête pas vraiment l'oreille. Quand c'est Édouard Philippe, ça devient crédible», poursuit cette source.

«Homme de droite» revendiqué, le maire du Havre hausse aussi le ton au moment où l'étoile montante des Républicains (LR), Bruno Retailleau, a pâli à grande vitesse avec sa sortie non maîtrisée du gouvernement Lecornu.

Chez Horizons, les troupes sont soudées derrière leur chef. Mais pas unanimes. La démission du président serait «le pire des scénarios. Je ne soutiens pas cette idée donc je ne la ramène pas trop», s'inquiète une figure du parti qui, entre le président et le prétendant rebelle, se sent comme une «enfant de parents divorcés».