Russie La Russie fête les cent ans de M.Kalachnikov

ATS

11.11.2019 - 07:11

Peu avant sa mort, Mikhaïl Kalachnikov a exprimé des remords: «Ma douleur est insupportable», a-t-il écrit au chef de l'Eglise russe, «Si mon fusil a ôté la vie à des humains, (...) suis-je responsable?«. Ici, sa statue érigée à Moscou en 2017 (archives).
Peu avant sa mort, Mikhaïl Kalachnikov a exprimé des remords: «Ma douleur est insupportable», a-t-il écrit au chef de l'Eglise russe, «Si mon fusil a ôté la vie à des humains, (...) suis-je responsable?«. Ici, sa statue érigée à Moscou en 2017 (archives).
Source: KEYSTONE/AP/PAVEL GOLOVKIN

Des dizaines d'enfants en uniformes crème et bérets rouges de la «jeune armée» russe se pressent autour des vitrines d'une exposition consacrée à Mikhaïl Kalachnikov. Sous le verre, les premiers modèles de l'AK-47, l'arme la plus connue au monde.

La Russie a fêté dimanche les cent ans de la naissance de Mikhaïl Kalachnikov, simple soldat soviétique qui se rêvait poète avant de dessiner son célèbre fusil d'assaut aux qualités inégalées: increvable, léger, simple à manier.

Pour l'occasion, on a fait venir à Moscou la collection du musée Kalachnikov d'Ijevsk (Oural), où se situe l'usine éponyme et où est né l'ingénieur. L'exposition «Kalachnikov. Soldat. Constructeur. Légende», visible jusqu'au 20 novembre au musée de la Victoire, sera ensuite présentée en Crimée, la péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014.

Mort en 2013, Kalachnikov est le 17ème des 19 enfants d'une famille paysanne de l'Altaï. Blessé au volant d'un char d'assaut en 1941, il commence à dessiner son fusil pendant sa convalescence, impressionné par les armes allemandes vues sur le terrain.

Après l'échec initial à un concours de l'armée, l'«Avtomat Kalachnikova 1947» s'impose et intègre l'arsenal du soldat soviétique. A ce jour, le «Kalachnikov» a été produit à plus de 100 millions d'exemplaires, équipe une cinquantaine d'armées nationales et orne le drapeau du Mozambique.

Célébré par la propagande soviétique comme moyen d'autodéfense, les premières utilisations de la nouvelle armes sont répressives, pour mater les soulèvements en Allemagne de l'Est en 1953 et en Hongrie en 1956. Mais aussi pour abattre les civils qui tentent de franchir le rideau de fer, raconte le journaliste C.J. Chivers dans son livre «The Gun».

Honneurs et propagande

L'URSS partage cette réussite technique avec les «pays frères» du pacte de Varsovie. Mais sa légende lui échappe. L'effondrement de l'Union soviétique dans le chaos accentuera la dissémination de l'arme et son glissement vers le civil.

Fabriqué à travers le monde, l'AK-47 devient l'arme des guérilleros, des terroristes, des dictateurs, des fusillades dans les écoles américaines. Tellement simple à manier qu'on la met dans les mains des enfants soldats. C'est l'arme des braconniers et des gardes-forestiers des réserves africaines.

En France, la «kalach» est l'arme des attentats à Paris et des règlements de comptes entre trafiquants de drogue à Marseille. Les fusils arrivent souvent d'ex-Yougoslavie. Les stocks constitués par le maréchal Tito s'écoulent en Europe pour moins de 1100 francs pièce.

En Afghanistan, où il a couvert la guerre, le journaliste C.J. Chivers a photographié des AK-47 fabriquées à Ijevsk en 1953, toujours utilisées par des soldats afghans. L'arme finit par se retourner contre son armée d'origine lors de la guerre entre l'URSS et l'Afghanistan, ainsi qu'en Tchétchénie.

«Défendre sa patrie»

Dans les allées austères du musée de la Victoire, dédié au conflit entre l'URSS et l'Allemagne nazie, les enfants de la «jeune armée» lancée par le président Poutine en 2015 font des selfies avec le célèbre fusil.

«On a d'abord mal aux doigts, mais ensuite c'est assez facile», raconte Maxime, jeune cadet, qui a appris a assembler l'arme en cours. «Nous espérons que la génération Kalachnikov grandira et nous offrira non seulement de nouvelles armes mais aussi de nouvelles (inventions) dans d'autres domaines», affirme Alexandre Ermakov, vice-directeur du musée d'Ijevsk.

Les armes «ne sont pas créées pour attaquer, mais pour défendre sa patrie», affirme-t-il: «Qu'il y ait des AK partout, même entre les mains des terroristes, ce n'est pas la faute de Kalachnikov, c'est la faute des politiciens».

Les remords du concepteur

Nelly Kalachnikova, 77 ans, évoque le souvenir de son père: «Ce qu'il faisait à l'usine, ce qu'il a inventé, était protégé par le secret. Nous n'en savions rien. Et ça a été le cas jusqu'en 1990, jusqu'à ce que qu'on le découvre en tant que designer légendaire», une thèse discutée par C.J. Chives, qui met en avant sa conception collective.

Les honneurs pleuvront, comme cette statue de l'homme tenant son fusil érigée à Moscou en 2017. De la gloire mais pas d'argent: la propriété intellectuelle était collective en URSS. La famille réussit à faire déposer la marque en 2004 pour les produits dérivés, mais un tribunal la lui retire en 2014.

Peu avant sa mort, Mikhaïl Kalachnikov a exprimé des remords: «Ma douleur est insupportable», a-t-il écrit au chef de l'Eglise russe, «Si mon fusil a ôté la vie à des humains, (...) suis-je responsable?«.

Cinquième génération

Aujourd'hui, le groupe Kalachnikov (ainsi nommé depuis 2013) produit 95% des armes légères russes et exporte dans 27 pays. Son célèbre fusil en est à sa cinquième génération.

Après l'arrivée d'actionnaires privés en 2014, de nouveaux modèles ont été présentés et l'accent a été mis sur les exportations malgré les sanctions américaines frappant l'entreprise.

Un changement d'image s'est opéré avec le lancement de gadgets vendus dans des boutiques, ainsi que de produits civils. Début 2017, l'Etat est devenu minoritaire dans le groupe.

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