Pour mieux s'installer à l'est La Russie opère un «retrait rapide» du nord du pays

ATS

2.4.2022 - 20:07

L'Ukraine a confirmé samedi que les forces russes opéraient un «retrait rapide» des régions de Kiev et Tcherniguiv, dans le nord du pays. Cela pour «garder le contrôle» des territoires qu'elles occupent dans l'est et le sud, où de nouvelles évacuations étaient prévues

Alors que les troupes russes se replient des régions de Kiev et Tcherniguiv (nord), les forces ukrainiennes ont pu y reprendre «plus de 30 localités» (archives).
Alors que les troupes russes se replient des régions de Kiev et Tcherniguiv (nord), les forces ukrainiennes ont pu y reprendre «plus de 30 localités» (archives).
KEYSTONE/EPA

Après une nuit de bombardements dans le centre et l'est du pays, la Croix-Rouge voulait tenter samedi de faire sortir des civils de Marioupol (sud-est), un port stratégique et assiégé de la mer d'Azov où la situation humanitaire est catastrophique.

Alors que les troupes russes se replient des régions de Kiev et Tcherniguiv (nord), les forces ukrainiennes ont pu y reprendre «plus de 30 localités» et s'emparer «d'un grand nombre de véhicules militaires abandonnés sans carburant», a affirmé un conseiller présidentiel ukrainien, Oleksiï Arestovitch, dans une vidéo diffusée samedi par la présidence ukrainienne.

Cadavres à Boutcha

Parmi ces localités, Boutcha, au nord-ouest de Kiev, où un journaliste de l'AFP a vu samedi les cadavres d'au moins vingt hommes en vêtements civils. L'un d'eux avec les mains liées dans le dos, à côté d'un passeport ukrainien ouvert reposant sur le sol. On ne pouvait dans l'immédiat déterminer la cause de leur mort, mais une personne présentait une large blessure à la tête.

Selon le maire de la ville Anatoly Fedorouk, près de 300 personnes ont dû être enterrées «dans des fosses communes». Il était impossible de le faire dans les trois cimetières de la municipalité, tous à portée de tir des militaires russes, a-t-il précisé.

Trous béants provoqués par des obus dans des immeubles d'habitation, lignes électriques abattues: la ville, théâtre des combats parmi les plus féroces depuis l'invasion russe de l'Ukraine le 24 février, est dévastée. Les forces ukrainiennes n'ont pu complètement y pénétrer qu'il y a un ou deux jours, elle était inaccessible depuis près d'un mois.

Nouvelle tactique des Russes

Avec ce «retrait rapide» du nord du pays, «il est tout à fait clair que la Russie a choisi une autre tactique prioritaire», a écrit le conseiller présidentiel ukrainien Mykhaïlo Podoliak, sur la messagerie Telegram: «se replier vers l'est et le sud» pour «garder le contrôle de vastes territoires occupés» et y «dicter durement ses conditions».

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait déjà affirmé que les Russes se préparaient à des «attaques puissantes» dans l'Est, notamment sur Marioupol où quelque 160'000 personnes seraient toujours bloquées et dont au moins 5000 habitants ont été tués, selon les autorités locales.

Pour les Russes, le contrôle de Marioupol permettrait d'assurer une continuité territoriale depuis la Crimée jusqu'aux deux républiques séparatistes prorusses du Donbass (Donetsk et Lougansk).

Evacuations à petite échelle

Impossibles pendant des semaines, les évacuations ont commencé à petite échelle. Vendredi, «les couloirs humanitaires ont fonctionné dans trois régions: Donetsk, Lougansk et Zaporojie. Nous avons réussi à sauver 6266 personnes, dont 3071 de Marioupol» a affirmé le président Zelensky dans la nuit de vendredi à samedi.

L'AFP a assisté à l'arrivée d'une trentaine de bus d'évacuation dans la ville de Zaporojie, vendredi soir. «Nous avons pleuré lorsque nous avons vu des soldats au poste de contrôle avec des écussons ukrainiens sur leurs bras», a confié Olena, sa petite fille dans les bras. «Ma maison a été détruite. Je l'ai vu sur des photos. Notre ville n'existe plus».

Plusieurs personnes ont raconté à l'AFP avoir dû marcher 15 kilomètres ou plus pour quitter Marioupol, avant de trouver des véhicules privés, puis de terminer leur voyage par un trajet en bus de 12 heures à travers une série de points de contrôle, au lieu de trois heures avant la guerre.

Ces habitants de Marioupol avaient réussi à rejoindre la ville de Berdiansk, occupée par les forces russes, où elles ont été prises en charge par le convoi, selon des témoignages à l'AFP et des responsables officiels.

Sept couloirs humanitaires prévus

Samedi, sept couloirs humanitaires étaient prévus dans l'Est et le Sud-Est, selon la Première ministre Iryna Verechtchouk.

Le ministre turc de la Défense Hulusi Akar a offert samedi le «soutien maritime, en particulier pour l'évacuation de Marioupol des civils et des blessés turcs ou d'autres nationalités», selon l'agence de presse officielle Anadolu.

Après avoir dû renoncer vendredi à atteindre la ville portuaire, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a annoncé qu'il essaierait à nouveau samedi «de faciliter le passage en toute sécurité de civils de Marioupol».

Mais «pour que l'opération réussisse, il est essentiel que les parties respectent les accords et fournissent les conditions nécessaires et les garanties de sécurité», a souligné le CICR.

Réserves de carburant russes visées

Des conditions fragilisées par la poursuite des combats. La Russie a accusé vendredi l'Ukraine d'avoir mené une frappe par hélicoptères sur son sol et agité la menace d'un durcissement des négociations.

L'attaque a touché les installations de stockage de carburant du géant de l'énergie Rosneft à Belgorod, ville russe à environ 40 kilomètres de la frontière avec l'Ukraine.

Pour le ministère britannique de la Défense, la destruction de réservoirs de pétrole à Belgorod ainsi que les explosions dans un dépôt de munitions près de la ville ajouteront «probablement une pression supplémentaire à court terme sur les chaînes logistiques russes déjà très sollicitées».

Les Russes ont quitté Tchernobyl

L'Ukraine a de son côté averti que les soldats russes ayant quitté la centrale nucléaire de Tchernobyl – site du pire accident nucléaire au monde, en 1986 – après des semaines d'occupation avaient pu être exposés à des radiations, jugeant que «la Russie s'était comportée de manière irresponsable à Tchernobyl» en creusant des tranchées dans les zones contaminées et en empêchant le personnel de la centrale de remplir ses fonctions.

Depuis la nuit de vendredi à samedi, plusieurs bombardements ont eu lieu, selon diverses sources ukrainiennes: des quartiers résidentiels à Kharkiv (est), des infrastructures à Dnipro (centre), des localités des régions de Donetsk, Lougansk (est) et Kherson (sud).

Essence: Moscou dit avoir détruit des dépôts

Des infrastructures ont également été frappées à Krementchouk (centre, région de Poltava), siège de la plus grande raffinerie de pétrole ukrainienne, a indiqué la présidence du pays, tandis que le ministère russe de la Défense annonçait samedi matin avoir détruit avec «des armes de haute précision» des dépôts d'essence et de carburant diesel de la raffinerie.

Ces dépôts servaient à fournir du carburant aux forces ukrainiennes dans le centre et dans l'est du pays, selon un communiqué du ministère. Des «missiles russes» ont également mis hors service deux aérodromes militaires des régions de Poltava et Dnipropetrovsk (centre), selon la même source.

Nouvelle aide américaine

«Donnez-nous des missiles. Donnez-nous des avions», a plaidé le président Zelensky sur la chaîne américaine Fox News. «Vous ne pouvez pas nous donner des F-18 ou des F-19 ou tout ce que vous avez? Donnez-nous les vieux avions soviétiques (...). Donnez-moi quelque chose pour défendre mon pays».

Les États-Unis ont annoncé jusqu'à 300 millions de dollars supplémentaires d'aide militaire à l'Ukraine, en complément de celle allouée depuis l'invasion, représentant plus de 1,6 milliard.

Les pourparlers de paix entre responsables ukrainiens et russes ont repris vendredi par vidéo, mais le Kremlin a prévenu que l'attaque à Belgorod ne pouvait «être perçue comme créant des conditions confortables pour la poursuite des négociations».

ATS