Après la Finlande La Suède s'inquiète de rester longtemps aux portes de l'OTAN

ATS

5.4.2023 - 07:43

Après l'entrée de la Finlande mardi dans l'OTAN, la Suède se retrouve seule aux portes de l'alliance, faute de feu vert de la Hongrie et surtout de la Turquie. Cette situation est gérable dans l'immédiat, mais il ne faudrait pas trop la prolonger, soulignent des experts.

«Regardez la carte! Nous serons entourés de pays de l'OTAN», a lancé à la fin mars le premier ministre suédois Ulf Kristersson pour rassurer ceux qui s'inquiétaient de se retrouver dans le rôle désagréable de pièce manquante du puzzle. (archives)
«Regardez la carte! Nous serons entourés de pays de l'OTAN», a lancé à la fin mars le premier ministre suédois Ulf Kristersson pour rassurer ceux qui s'inquiétaient de se retrouver dans le rôle désagréable de pièce manquante du puzzle. (archives)
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La Suède isolée

Les adhésions de la Suède et de la Finlande doivent transformer la mer Baltique en «lac OTAN», avec la Russie seule intruse dans l'enclave de Kaliningrad et la petite zone au large de Saint-Pétersbourg. De même pour l'Arctique, qui sera constitué de sept pays de l'OTAN (Etats-Unis, Canada, Islande, Norvège, Finlande, Suède et le Danemark avec le Groenland).

«Regardez la carte! Nous serons entourés de pays de l'OTAN», a lancé à la fin mars le premier ministre suédois Ulf Kristersson pour rassurer ceux qui s'inquiétaient de se retrouver dans le rôle désagréable de pièce manquante du puzzle. La Suède «est plus sûre avec la Finlande dedans, que les deux pays en dehors», a-t-il plaidé.

Le discours est quelque peu contradictoire avec le livre blanc commandé par le précédent gouvernement pour savoir si la Suède devait rejoindre l'alliance avec la Finlande, plus fermement décidée. Celui-ci soulignait les risques posés d'être le seul pays hors OTAN, devenant ainsi «une cible d'intérêt stratégique spéciale pour la Russie en cas de conflit».

«Notre vulnérabilité et notre exposition militaire et sécuritaire augmenteraient», disait le rapport publié en mai 2022. Pour Robert Dalsjö, chercheur à l'institut suédois pour la recherche sur la défense (FOI), «si l'on parle de quelques mois [de retard], c'est embarrassant, mais pas vraiment un grand problème». Mais une situation prolongée pourrait compliquer sérieusement la donne, notamment pour la planification militaire de la Suède comme de l'OTAN, ou si la Russie n'était plus aux prises avec l'armée ukrainienne.

Si elle n'a pas le parapluie de l'article 5 de protection mutuelle de l'OTAN, la Suède (10,5 millions d'habitants, 447'425 kilomètres carrés) peut toutefois compter sur les garanties de sécurité apportées par la plupart des principaux membres de l'alliance militaire, Etats-Unis en tête, durant sa phase de candidature.

Le pourquoi des blocages

Deux pays doivent encore ratifier l'adhésion suédoise et ont fait le choix de valider seulement la candidature de la Finlande: la Hongrie du premier ministre nationaliste Viktor Orban et la Turquie du président Recep Tayyip Erdogan, en quête d'une réélection qui s'annonce difficile à la mi-mai.

Budapest a exprimé la semaine dernière ses «griefs» contre Stockholm, l'appelant à cesser une politique de «dénigrement» et les critiques régulières sur les manquements à l'Etat de droit de l'exécutif Orban.

Le litige intervient, soulignent les experts, alors que des milliards d'euros de fonds destinés à Budapest sont actuellement gelés par Bruxelles, dans l'attente de réformes pour mieux lutter contre la corruption.

Le principal obstacle sur la route suédoise est toutefois à Ankara. La Turquie réclame l'extradition de dizaines d'opposants réfugiés en Suède, qu'elle présente comme des «terroristes» kurdes ou «gulénistes». C'est un dossier où le gouvernement suédois est largement impuissant, la justice indépendante ayant le dernier mot.

A ce litige est venu s'ajouter la colère d'Ankara au sujet du droit suédois sur la liberté de manifester, très libéral, qui a vu un extrémiste brûler un coran au début janvier dans le cadre d'une manifestation autorisée par la police.

L'espoir à Stockholm est toutefois de lever le blocage après les élections turques, en espérant que M. Erdogan change de pied ou perde le scrutin.

Mais bloquer sine die la Suède risque aussi de fragiliser l'OTAN elle-même, en faisant apparaître des fissures dans le bloc. «Si l'OTAN ne parvient pas à faire adhérer la Suède, l'OTAN apparaîtra affaiblie», souligne Anna Wieslander, directrice pour l'Europe du Nord au sein du think-tank américain Atlantic Council.

Les apports de la Suède et l'OTAN

Même si elle a significativement désinvesti dans son armée après la fin de la guerre froide et jusqu'à l'annexion de la Crimée par Moscou en 2014, la Suède souligne qu'elle sera «une contributrice nette» à l'OTAN, c'est-à-dire qu'elle apportera plus qu'elle ne demandera.

Actuellement, l'armée suédoise compte quelque 50'000 soldats, dont la moitié est composée de réservistes, et veut porter le total à 90'000 d'ici à 2030. Avec ses 120 chars Leopard 2 et 90 avions de combat Gripen ainsi que plusieurs sous-marins, la Suède est aussi une importante zone d'appui vers la Finlande et les pays baltes, souligne Jacob Westberg, chercheur à l'université suédoise de défense.

Le pays héberge également quelques fleurons de l'industrie européenne de la défense, comme Saab. Outre le Gripen, le fabricant d'armement commercialise le missile portable antichar NLAW, particulièrement redoutable pour les chars russes en Ukraine.