La Suède a mis fin vendredi à quatre mois de crise politique avec la reconduction par le parlement du premier ministre social-démocrate Stefan Löfven. Il est parvenu à neutraliser l'extrême droite et à sauver un des derniers gouvernements de centre-gauche en Europe.
La nouvelle coalition gouvernementale minoritaire, qui sera présentée et installée lundi, comprendra les sociaux-démocrates et les Verts, comme entre 2014 et 2018. Il s'agit d'un des gouvernements les plus faibles qu'ait connu le pays depuis 70 ans, avec seulement 32,7% des suffrages recueillis aux législatives du 9 septembre.
Il sera soutenu au Riksdag, chambre unique du parlement suédois, par le Centre et les Libéraux - membres de l'opposition lors de la précédente législature - sur la base d'un accord programmatique signé la semaine dernière. Celui-ci fait la part belle aux réformes libérales.
"Partout dans le monde, l'extrême-droite étend son influence", a déclaré Stefan Löfven lors d'une conférence de presse après un vote au parlement. "La Suède va maintenant se doter d'un gouvernement qui ne sera pas dépendant des Démocrates de Suède", le parti nationaliste anti-immigration qui joue les trublions entre droite et gauche depuis 2010, a-t-il ajouté.
Règles particulières
Ensemble, le gouvernement, le Centre et les Libéraux disposent de 167 sièges sur 349, soit huit de moins que la majorité absolue de 175 mandats. M. Löfven a été élu au parlement par seulement 115 voix pour, tandis que 77 députés se sont abstenus et 153 ont voté contre. En vertu des règles du parlementarisme négatif prévalant en Suède, un gouvernement est élu ou reste en place tant qu'une majorité de députés ne vote pas sa censure.
Après avoir soutenu pendant quatre ans la coalition sortante, le Parti de gauche (ex-communiste, 28 sièges) est exclu de cette nouvelle alliance. C'est pour faire barrage à l'extrême droite qu'il a décidé de s'abstenir. La priorité, a justifié son chef de file Jonas Sjöstedt vendredi devant les députés, était d'empêcher "la politique de classe brutale" de la droite et "la haine et le racisme" de l'extrême-droite.
Stefan Löfven a dû faire d'importantes concessions politiques pour débaucher les deux formations de centre droit. Elles ont notamment imposé l'assouplissement du droit du travail, la baisse du taux d'imposition pour les hauts revenus et la libéralisation des loyers des logements neufs.
Diviser la droite
Au soir des législatives du 9 septembre, les Démocrates de Suède étaient arrivés en troisième position avec 17,6% des suffrages. Le patron de cette formation issue de la nébuleuse néonazie a raillé vendredi "la capacité de Stefan Löfven à garder le pouvoir sans mener sa propre politique".
Successivement, M. Löfven et le chef du parti conservateur, arrivé deuxième, Ulf Kristersson, ont été mandatés, en vain, par le président du parlement pour tenter de former une coalition. Tous deux ont refusé de s'allier avec le parti d'extrême droite, malgré des pressions internes croissantes à droite.
"Pendant longtemps, la politique suédoise a été dominée par une opposition entre les deux blocs. Après la progression des Démocrates de Suède, une opposition de trois blocs est apparue", rendant d'autant plus compliquée la constitution de cabinets, commente Olof Petersson, politologue. A ce jeu, Stefan Löfven a été le plus malin, selon les analystes. "Löfven est parvenu à atteindre ses objectifs: rester au pouvoir et diviser l'opposition", souligne M. Petersson.
"Le Parti de gauche et les Démocrates de Suède ont arbitré l'élection", a déploré Ulf Kristersson. L'accord entre le futur gouvernement et le centre-droit suscite des "inquiétudes" à gauche, notamment quant à une politique fiscale qui "risque d'accroître les inégalités dans la société suédoise", relève Ulf Bjereld, professeur de sciences politiques à l'université de Göteborg, proche des sociaux-démocrates.
La gauche menace
Le Parti de gauche a prévenu que sa position attentiste n'était pas un blanc-seing pour la politique du gouvernement. Il menace de le faire tomber à la première occasion s'il engageait certaines réformes négociées avec ses nouveaux alliés.
Ce danger est très théorique, d'après M. Petersson. "Au moins 35 députés sont nécessaires pour déposer une motion de censure", rappelle-t-il. Or le Parti de gauche "ne contrôle que 28 sièges. Ce serait un suicide politique s'il s'adressait aux Modérés [conservateurs], aux chrétiens-démocrates ou aux Démocrates de Suède pour obtenir les 35 signatures exigées".
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