Ukraine La ville d'Avdiïvka, trophée symbolique pour Poutine

ATS

20.2.2024 - 08:08

Avec le retrait de l'armée ukrainienne de l'intérieur de la ville d'Avdiïvka (est), Kiev concède à la Russie une victoire militaire symbolique à point nommé avant l'élection présidentielle russe de mars, qui montre à quel point l'Ukraine a besoin d'armes et d'hommes pour faire bouger la ligne de front.

Cette photo tirée d'une vidéo publiée par le service de presse du ministère russe de la Défense le lundi 19 février 2024 montre une vue aérienne de l'usine de coke et de produits chimiques d'Avdiivka, dans l'est de l'Ukraine. Les forces russes ont pris le contrôle total de la ville ukrainienne d'Avdiivka. Le ministre russe de la défense, Sergei Shoigu, a déclaré samedi au Kremlin que les forces russes s'efforçaient à présent d'éliminer les dernières poches de résistance à l'usine de coke et de produits chimiques d'Avdiivka, ont indiqué les autorités dans un communiqué. (Service de presse du ministère russe de la défense via AP)
Cette photo tirée d'une vidéo publiée par le service de presse du ministère russe de la Défense le lundi 19 février 2024 montre une vue aérienne de l'usine de coke et de produits chimiques d'Avdiivka, dans l'est de l'Ukraine. Les forces russes ont pris le contrôle total de la ville ukrainienne d'Avdiivka. Le ministre russe de la défense, Sergei Shoigu, a déclaré samedi au Kremlin que les forces russes s'efforçaient à présent d'éliminer les dernières poches de résistance à l'usine de coke et de produits chimiques d'Avdiivka, ont indiqué les autorités dans un communiqué. (Service de presse du ministère russe de la défense via AP)
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Avdiïvka, symbole de résistance

Avdiïvka est une petite ville industrielle de l'est de l'Ukraine, sur les hauteurs de la plaine du Donbass à une dizaine de kilomètres de Donetsk, la capitale séparatiste dans l'est de l'Ukraine.

La ville, en grande partie détruite et désertée par l'écrasante majorité de ses 34'000 habitants, incarne la résistance à l'invasion russe. Avdiïvka était brièvement tombée en juillet 2014 aux mains de séparatistes prorusses pilotés par Moscou, avant de revenir sous contrôle ukrainien et de le rester depuis 2022.

Elle «est d'une grande valeur symbolique», fait valoir Ivan Klyszcz, du centre international pour la défense et la sécurité (ICDS), en Estonie. Toutefois, «stratégiquement, elle est insignifiante. Cela aurait été un bon point de départ pour une offensive ukrainienne visant à libérer la ville de Donetsk, estime Gustav Gressel, expert du Conseil européen des relations internationales (ECFR). Mais l'Ukraine ne sera pas en mesure de mener une telle offensive avant au moins deux ans. Cela n'a donc aucun sens de sacrifier des soldats maintenant».

Pour le président russe Vladimir Poutine, dont le régime est engagé dans une guerre informationnelle intense contre Kiev et ses soutiens occidentaux, c'est une «victoire significative avant 'l'élection'» présidentielle de mars prochain, selon l'ISW, l'institut américain pour l'étude de la guerre.

Rapport de forces défavorable

Oleksandre Borodine, le porte-parole de la 3e brigade d'assaut, une des meilleures unités ukrainiennes, estime que la bataille d'Avdiïvka, longue de plusieurs mois, était encore plus difficile que ne l'a été celle de Bakhmout (est), dont la prise a été revendiquée en mai 2023 par le groupe paramilitaire russe Wagner.

Principale raison: l'utilisation massive par Moscou d'équipements lourds et de moyens aériens, avec des bombardements très intenses ces derniers jours.

«Ce sont des attaques de chars avec de l'infanterie, un grand nombre de véhicules blindés de transport de troupes et de BMP (véhicules de combat de l'ère soviétique), des avions et des drones FPV (First person view, soit pilotage en immersion)», alors que les hommes de Wagner «envoyaient principalement des hommes» en première ligne à Bakhmout, déclarait-il peu avant le retrait ukrainien.

La ville est fortifiée depuis 2014 et les positions défensives ukrainiennes étaient solides, infligeant de très lourdes pertes côté russe depuis octobre. Mais à la mi-janvier, «les Russes ont réussi à s'infiltrer à l'intérieur de la ville», selon l'expert Gustav Gressel, avec dans certaines zones des attaques ennemies à 360 degrés.

En face, «les livraisons d'[avions de chasse] F16 prennent beaucoup trop de temps et l'armée de l'air ukrainienne manque de missiles air-air», d'après le chercheur qui relève aussi que «l'Ukraine aurait besoin de beaucoup plus de munitions d'artillerie pour pouvoir tenir la ville».

Repli pour tenir

Le repli d'Avdiïvka était une «décision juste» pour «sauver le plus possible de vies», a déclaré samedi le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la conférence de Munich sur la sécurité. «Afin d'éviter d'être encerclés, il a été décidé de se retirer sur d'autres lignes. Cela ne signifie pas que les gens ont reculé de quelques kilomètres et que la Russie a capturé quelque chose. Elle n'a rien capturé», a-t-il toutefois assuré.

La décision de quitter Avdiïvka et la partie est de la poche «n'est pas surprenante, les Russes ont presque encerclé la ville. Les Ukrainiens se sont retirés pour éviter la possibilité catastrophique que leurs unités soient encerclées et détruites. Le couloir menant hors de la ville est étroit et sous le feu. La retraite ne sera pas facile», estime Mark Cancian, du centre pour les études internationales et stratégiques (CSIS).

L'ordre a été donné de se rétablir sur des positions aménagées à l'ouest et au sud-ouest de la ville, mais la bataille n'est pas finie.

Demeurent des points d'interrogation pour la suite des opérations sur cette partie du front. «Est-ce que du côté ukrainien la ligne est suffisamment aménagée et défendable avec les ressources en hommes et en munitions» et «est-ce que les Russes ont suffisamment de réserves pour poursuivre leur offensive et mettre en danger voire percer la ligne d'arrêt ukrainienne?», s'interroge Philippe Gros, de la fondation pour la recherche stratégique (FRS).

D'après une source militaire européenne, l'Ukraine se met «en défensive pour tenir dans la durée, contrer les attaques locales de la Russie et pour ne pas gaspiller les capacités dont elle dispose, en attendant l'arrivée de l'aide annoncée par les Occidentaux, surtout, les Etats-Unis».