Burkina Faso Le Burkina a voté pour la présidentielle, sous la menace jihadiste

ATS

22.11.2020 - 22:34

Les Burkinabè ont voté dimanche pour élire leur prochain président dans un contexte tendu, dans ce pays en proie à des attaques jihadistes incessantes.
Les Burkinabè ont voté dimanche pour élire leur prochain président dans un contexte tendu, dans ce pays en proie à des attaques jihadistes incessantes.
ATS

Les Burkinabè ont voté dimanche pour élire leur prochain président dans un contexte tendu, illustré par la fermeture de bureaux en cours de journée face à des «menaces», dans ce pays en proie à des attaques jihadistes incessantes.

Quelque 6,5 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes pour ce double scrutin présidentiel et législatif et les bureaux de vote ont fermé à 18H00 GMT. Les résultats, dont la compilation et publication par commune ont débuté dimanche soir, sont attendus pour les jours à venir.

Roch Marc Christian Kaboré, élu en 2015 et qui brigue un second mandat, fait figure de favori. Il est opposé à 12 adversaires, dont Zéphirin Diabré, chef de file de l'opposition, et Eddie Komboïgo, candidat du parti de l'ex-président Blaise Compaoré, dont le régime tombé il y a six ans fait l'objet d'une nostalgie croissante.

«Il reste une minute! Plus personne?», crie le président d'un bureau de vote de Ouagadougou Amadou Sawadogo, 43 ans, commerçant.

Si à Ougadougou le vote s'est déroulé sans encombre, des bureaux ont dû fermer ailleurs dans le pays, «en raison des menaces», a déclaré lors d'un bilan à la mi-journée, le président de la Commission électorale Newton Ahmed Barry, sans plus de précision sur le nombre de bureaux fermés et la nature de ces menaces.

«Pas la priorité»

«Des individus ont interdit aux populations de prendre part au vote», a-t-il ajouté. «Mais dans l'ensemble (...) tout se passe bien», a-t-il dit.

La fermeture de bureaux de vote a été confirmée à l'AFP par une source sécuritaire dans l'Est: «compte tenu des menaces d'individus armés, ils (bureaux) ont refermé».

Début novembre, la Cour constitutionnelle avait constaté que l'élection ne pourrait se tenir sur 17,7% du territoire, faute d'une présence de l'Etat, administrative et sécuritaire, suffisante.

A Arbinda, dans le nord du pays, «en temps normal on a cent bureaux de vote mais on a pu (en) ouvrir vingt-cinq», a expliqué le président de la Commission électorale.

Et dans certaines localités de l'Est et du Nord, les plus touchées par les attaques jihadistes, «on a dit à des populations que celui qui plonge son doigt dans l'encre indélébile peut dire adieu à son doigt», selon M. Barry.

Opposition désunie

Dans certains endroits du Nord, «il n'y a pas d'élection, et c'est loin d'être la priorité des populations qui cherchent d'abord à éviter de se faire tuer par une partie ou l'autre du conflit», avait souligné à l'AFP un expert des questions de sécurité dans la région de Dori.

«On attend beaucoup de la sécurité. On sait que ce n'est pas facile mais on aimerait qu'il y ait la paix, qu'il y ait le pardon entre les Burkinabè et qu'on puisse vivre ensemble tranquille», a estimé Abdoulaye Koula, électeur de Ouagadougou.

Considérés comme les deux outsiders les plus sérieux, Diabré et Komboïgo, ainsi que quatre autres candidats, ont fait monter la pression samedi en dénonçant des risques de fraude, menaçant de ne «pas accepter des résultats entachés d'irrégularité».

M. Diabré a jugé «inconcevable» qu'un parti puisse gagner «dès le premier tour».

M. Kaboré est donné favori face à une opposition qui n'a pas réussi à s'unir, malgré un bilan très critiqué sur le plan de la sécurité par ses détracteurs et les observateurs, qui le taxent d'immobilisme.

Dimanche matin, après avoir voté dans son quartier de Ouagadougou, il a réagi à ces accusations de fraude: «les polémiques, c'est pour un autre jour».

Milices

Pays sahélien, le Burkina Faso vit ses heures les plus sombres depuis l'indépendance de cette ancienne colonie française en 1960, s'enfonçant depuis cinq ans dans une spirale de violences jihadistes et intercommunautaires, associée à une répression souvent violente des forces de sécurité.

Les attaques des groupes jihadistes – certains affiliés à Al-Qaïda, d'autres à l'organisation Etat islamique -, souvent entremêlées de violences intercommunautaires, ont fait au moins 1.200 morts et chassé de leurs foyers un million de personnes, qui s'agglutinent dans les grandes villes.

Aucune mesure spécifique n'a été prise pour que ces déplacés puissent voter.

Dans les zones touchées par les exactions jihadistes, les autorités affirment que des forces de sécurité ont été déployées pour sécuriser le scrutin, mais aucun chiffre ou détail n'a été donné.

Des milices villageoises ont été créées par les autorités début 2020 avec l'aval de toute la classe politique ou presque. Leur nombre réel reste inconnu – plusieurs milliers selon les estimations – mais elles devaient jouer un rôle dans la sécurisation du scrutin dans les campagnes.

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