«J'ai commencé à pleurer»Le calvaire d'un soldat ukrainien capturé
ATS
9.5.2022 - 19:56
Grièvement blessé et capturé par les Russes à Marioupol, le soldat ukrainien Glib Stryjko a vécu entre leurs mains des semaines de souffrances, de menaces et d'insultes aussi. Jusqu'à cet échange de prisonniers salvateur, qui a permis à sa mère de le retrouver.
09.05.2022, 19:56
ATS
«Un de ses gardiens a eu pitié de lui», raconte à l'AFP Lessia Kostenko, la mère du militaire de 25 ans, dont l'expérience – faite de petits moments de bonté, mais aussi de menaces et d'humiliations quotidiennes – ouvre une rare fenêtre sur la réalité des échanges de prisonniers entre l'Ukraine et la Russie.
Glib Stryjko a été capturé en avril à Marioupol, port stratégique du sud-est de l'Ukraine théâtre de certains des plus féroces combats de la guerre. Blessé et mal en point, il a été trimballé des territoires séparatistes prorusses à la Russie avant d'être soudainement placé dans un avion pour la péninsule annexée de Crimée, d'où il est rentré chez lui.
«Après être monté dans le bus qui nous attendait, le chauffeur a dit: 'Les gars, vous pouvez souffler. Vous êtes chez vous maintenant.' J'ai commencé à pleurer», raconte Glib sur son lit d'hôpital à Zaporijjia, un ville du sud-est de l'Ukraine.
Plus de 350 soldats de Kiev ont jusqu'à présent été libérés dans le cadre d'échanges, qui se font en général sur la base du un contre un du même rang, révèle à l'AFP la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk, en charge de ces négociations.
La libération de Glib a commencé sur les réseaux sociaux. Un camarade le repère sur une chaîne Telegram, où les séparatistes prorusses de l'est de l'Ukraine publient des images des soldats ennemis faits prisonniers.
Il appelle alors Lessia, soulagée de savoir que son fils est en vie. «C'est là que nous avons commencé à chercher», raconte-t-elle à l'AFP.
D'hôpital en hôpital
Le 10 avril, posté dans une aciérie de Marioupol transformée en camp retranché, Glib Stryjko a été blessé par un tir de char, puis conduit par ses camarades dans un hôpital, où il est fait prisonnier.
Blessé au bassin, à la mâchoire et à l'oeil, il raconte avoir alors été emmené avec d'autres prisonniers à Novoazovsk, ville sous contrôle séparatiste située près de la frontière russe.
«Nous étions à l'hôpital mais nous ne recevions aucun traitement sérieux», affirme-t-il. Il y reste près d'une semaine avant d'être transféré dans un établissement de Donetsk, le bastion séparatiste.
C'est là qu'il finit par avoir accès à un téléphone pour prévenir sa famille, qui appelle à l'aide le gouvernement ukrainien.
«Ses proches m'ont contacté et demandé mon aide – sa mère, son frère, ses amis. Ils me cherchaient tous», explique Mme Verechtchouk, qui évoque alors son cas aux autorités russes.
Après avoir un temps nié l'avoir sous leur garde, ces derniers finissent par reconnaître le détenir et acceptent de l'échanger, raconte-t-elle.
Pour parler de ses relations avec ses geôliers, Glib évoque leur indifférence, mais aussi une certaine forme de cruauté.
Les médecins s'acquittaient généralement de leur devoir, raconte le soldat, mais il y avait aussi une infirmière qui l'injuriait en russe et laissait ses repas à son chevet, sachant pertinemment qu'il n'était pas capable de se nourrir lui-même.
«Puis elle revenait et disait 'Vous avez fini?' et emportait la nourriture», se rappelle-t-il.
Un couteau sur la peau
A l'hôpital, Glib était constamment surveillé et parfois menacé, un gardien allant même une fois jusqu'à faire glisser un couteau sur sa peau en le menaçant: «J'adorerais te couper l'oreille, ou te découper comme les Ukrainiens découpent leurs prisonniers».
Après une semaine à Donetsk, il est à nouveau déplacé. Direction la prison, cette fois.
Suivront pour le blessé des épisodes douloureux: il est porté dans une couverture, allongé sur le sol d'un bus, et finalement jugé en trop mauvais état pour quitter l'hôpital. Puis dit avoir été à nouveau déplacé, en bus puis en ambulance, jusqu'à la frontière russe.
On lui dit qu'il part pour Taganrog, ville russe sur les rives de la mer d'Azov. Mais l'ambulance qui le transporte prend la direction d'un aéroport et, quelques heures plus tard, il s'envole avec d'autres blessés et des captifs aux mains liées et aux yeux couverts de ruban adhésif.
Le 28 avril, il atterrit en Crimée, péninsule annexée par Moscou en 2014, et apprend qu'il va être échangé.
Les Russes l'emmènent alors avec trois autres blessés graves vers un lieu non divulgué, d'où les deux camps se toisent à un kilomètre de distance.
«Quand nous avons fait ce kilomètre, j'avais tellement peur car qui sait ce qui peut arriver...», se souvient le soldat.
Sa mère se doutait que quelque chose était dans les tuyaux, mais ignorait tout des détails. Jusqu'à ce que Mme Verechtchouk l'appelle pour lui annoncer la bonne nouvelle.
«J'ai laissé tomber mon téléphone et j'ai recommencé à pleurer», dit-elle.