Crise ukrainienneLe dialogue de sourds continue entre Washington et Moscou
ATS
17.2.2022 - 18:45
Le dialogue de sourds s'est poursuivi jeudi, dans un contexte toujours plus volatil, entre les Etats-Unis qui redoutent désormais une attaque de l'Ukraine «dans les prochains jours», et la Russie qui a annoncé au contraire de nouveaux retraits militaires.
17.02.2022, 18:45
17.02.2022, 18:47
ATS
La confrontation a pris un tour particulièrement solennel à l'ONU: le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken est venu devant le Conseil de sécurité exhorter les Russes à «abandonner la voie de la guerre».
«Toutes les indications que nous avons, c'est que (les Russes) sont prêts à entrer en Ukraine, à attaquer l'Ukraine», avait dit auparavant le président américain Joe Biden, jugeant l'offensive possible «dans les prochains jours».
La Russie a, selon les Occidentaux, déployé plus de 100'000 soldats et leurs équipements dans le voisinage de l'Ukraine en vue d'une offensive. Washington assure que, loin de réduire sa présence militaire,la Russie l'a augmentée de 7000 militaires.
Joe Biden a aussi répété un avertissement devenu incontournable dans la communication des Américains: la Russie prépare selon lui un prétexte, une «fausse alarme», dans le conflit entre Kiev et des séparatistes pro-russes dans l'Est ukrainien, qui justifierait son intervention. Les Britanniques ont émis la même mise en garde, alors que les affrontements se sont intensifiés jeudi dans la région.
Ecole bombardée
De son côté, la Russie a annoncé de nouveaux retraits militaires des abords de l'Ukraine, diffusant des images de trains chargés d'équipements et annonçant le retour d'unités dans des casernes éloignées de l'Ukraine. Mais le président ukrainien Volodymyr Zelensky a indiqué ne pas avoir vu de diminution des troupes, tout juste de «petites rotations».
La crise russo-occidentale, qui menace de dégénérer depuis des semaines, a pris un tour encore plus volatil jeudi avec des échanges de tirs à l'arme lourde accrus dans le Donbass, où les forces ukrainiennes sont confrontées depuis huit ans à des séparatistes pro-russes. Les deux camps se sont rejeté la responsabilité des heurts.
L'armée ukrainienne a dénoncé jeudi une attaque contre Stanitsa Louganska qui a privé la moitié de cette localité d'électricité et laissé un trou d'obus dans le mur d'une école, des briques jonchant une pièce au milieu de jouets d'enfants.
Les séparatistes de Lougansk ont eux accusé Kiev d'être responsable d'une multiplication des bombardements à l'arme lourde pour eux-mêmes «pousser le conflit vers une escalade».
Rencontre proposée à Lavrov
Le Kremlin a jugé la situation «extrêmement dangereuse» du fait de la «concentration extrême des forces ukrainiennes». La Russie n'a en outre cessé de dénoncer le soutien militaire accru de l'Otan à l'Ukraine, qui a reçu un nombre croissant de livraisons d'armes occidentales.
Le président Zelensky a assuré jeudi que son pays n'avait «pas besoin» de soldats occidentaux sur son sol pour faire face à la menace russe, soulignant ne pas vouloir «donner une raison supplémentaire» à la Russie d'intervenir. Les Occidentaux affirment qu'une invasion russe sera suivie de sanctions économiques dévastatrices, mais sans réponse militaire.
Le dialogue de sourds entre les deux grandes puissances a été parfaitement illustré lors de la séance jeudi du Conseil de sécurité.
«Je n'ai aucun doute sur le fait que la réponse à mes déclarations ici aujourd'hui sera faite de nouvelles dénégations du gouvernement russe», a dit le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, tout en proposant une rencontre «la semaine prochaine «à son homologue russe Sergueï Lavrov.
Le secrétaire d'Etat américain, très grave, a détaillé étape par étape à quoi ressemblerait une attaque massive de l'Ukraine par la Russie.
Il en a appelé à la responsabilité historique de Moscou. «Le gouvernement russe peut annoncer aujourd'hui» que «la Russie ne va pas envahir l'Ukraine, le dire clairement, le dire pleinement au monde entier, et ensuite le démontrer», a-t-il martelé. «Dans les jours qui suivront, le monde se souviendra de cet engagement, ou du refus d'en faire autant.»
Armes nucléaires
Avant lui le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Verchinine, extrêmement posé, avait refusé de s'étendre sur ce qu'il a qualifié de «spéculations». Il a plutôt énuméré les multiples griefs de Moscou envers l'Ukraine, accusée de ne pas appliquer les accords de Minsk de 2015, censés pacifier l'est séparatiste.
La Russie a par ailleurs déroulé une nouvelle fois jeudi le catalogue de ses demandes stratégiques aux Occidentaux, dont beaucoup ont d'ores et déjà été jugées inacceptables par l'Otan, l'UE et les Etats-Unis.
En cas de refus, «la Russie sera forcée de réagir, notamment par la mise en oeuvre de mesures à caractère militaire et technique», a menacé la diplomatie russe.
Le président bélarusse Alexandre Loukachenko, allié de la Russie, a ainsi déclaré jeudi que son pays, aux portes de l'UE, serait prêt à accueillir désormais des «armes nucléaires», dont il ne dispose pas depuis la chute de l'URSS.
Moscou insiste sur «le retrait de toutes les forces et armements des Etats-Unis déployés en Europe centrale et orientale, en Europe du Sud-Est et dans les pays baltes» et attend également des propositions des Occidentaux un «renoncement à tout élargissement futur de l'Otan», à l'Ukraine en particulier.
Illustration des tensions en cours, le département d'Etat américain a révélé jeudi que la Russie avait expulsé le numéro deux de son ambassade à Moscou, le diplomate Bart Gorman, disant étudier une «riposte».