Le Premier ministre libyen désigné a exhorté lundi les députés à la responsabilité en accordant la confiance à son gouvernement. Né d'un processus parrainé par l'ONU, celui-ci doit contribuer à sortir la Libye du chaos en la menant jusqu'à des élections fin décembre.
Abdel Hamid Dbeibah s'adressait aux 132 députés (sur 188) de la Chambre des représentants réunis pour une session cruciale consacrée au vote de confiance. Son gouvernement a jusqu'au 19 mars pour être approuvé par le Parlement élu, profondément divisé, qui s'est très rarement réuni ces dernières années.
Après plus de trois heures de débats, la séance a été levée jusqu'à mardi afin que M. Dbeibah puisse venir répondre aux questions des parlementaires, notamment à propos de la composition de son gouvernement.
Le Parlement est basé à Torbouk, à l'Est, mais la réunion s'est tenue à Syrte, à mi-chemin entre l'Ouest et l'Est, deux principales régions du pays dirigées par des autorités distinctes sur fond d'ingérences étrangères.
«Ne pas manquer l'occasion»
«J'appelle les députés à ne pas manquer l'occasion», a déclaré M. Dbeibah avant le début de la séance, en disant espérer obtenir un vote de confiance.
Les députés ont tour à tour critiqué le nombre de portefeuilles jugé trop élevé, ou appelé au report du vote jusqu'à la publication d'un rapport du groupe d'experts onusiens attendue mi-mars sur des allégations de corruption pesant sur le processus parrainé par l'ONU. D'autres ont au contraire demandé à soutenir M. Dbeibah afin qu'il puisse «unifier le pays» au plus vite.
Le gouvernement proposé par M. Dbeibah, secondé par deux vice-Premiers ministres, un de Cyrénaïque (Est) et un du Fezzan (Sud), est composé de 33 portefeuilles: 27 ministères, dont sept régaliens, et six ministres d'Etat. Leurs noms n'ont pas été dévoilés.
«Historique»
La Mission d'appui de l'ONU en Libye (Manul) a félicité les députés d'avoir «convoqué une session réunifiée après de nombreuses années de divisions et de paralysie», saluant une «session historique» et une «étape cruciale» pour l'unification du pays.
Syrte, ville natale de l'ex-dictateur Mouammar Kadhafi, est toujours sous le contrôle de l'homme fort de l'Est, Khalifa Haftar, et de ses forces, composées entre autres de combattants étrangers et de mercenaires.
Abdel Hamid Dbeibah, un milliardaire de 61 ans originaire de Misrata (Ouest), a été désigné Premier ministre intérimaire le 5 février par 75 responsables libyens de tous bords réunis à Genève sous l'égide de l'ONU, en même temps qu'un Conseil présidentiel de trois membres dirigé par Mohamed Al-Manfi, originaire de l'Est.
Unifier les institutions
S'il obtient la confiance des députés, M. Dbeibah devra unifier les institutions d'un riche pays pétrolier en proie au chaos depuis la chute de Kadhafi en 2011 et mener la transition jusqu'aux élections du 24 décembre, programmées dans le cadre du processus onusien.
Mais décrocher la confiance d'un Parlement profondément divisé s'apparente à un parcours du combattant: le Gouvernement d'union nationale (GNA), installé depuis 2016 à Tripoli et reconnu par l'ONU, ne l'a jamais obtenue.
En cas d'échec, le vote reviendrait aux délégués du dialogue interlibyen, le processus onusien lancé en novembre à Tunis et mis sur orbite à Genève.
«Equilibre»
Dans la liste présentée par M. Dbeibah, le ministère de l'Economie et de l'Industrie a été scindé en deux, celui de l'Enseignement en trois (Education, Enseignement supérieur et Enseignement technique), alors que certains organismes publics sont désormais doublés d'un ministère.
«Pour former le gouvernement, nous avons pris en compte l'équilibre entre la compétence et la garantie de l'inclusion régionale (...), de manière à ce que le gouvernement soit réellement représentatif de tous les Libyens», a argué M. Dbeibah.
Les sept portefeuilles régaliens sont répartis entre les trois provinces: les Affaires étrangères pour l'Est; l'Economie, le Commerce et la Justice pour l'Ouest; la Défense, l'Intérieur et les Finances pour le Sud. Le futur exécutif doit remplacer aussi bien le GNA de Fayez al-Sarraj que le pouvoir rival à l'Est.
M. Dbeibah devra en outre répondre aux attentes pressantes des Libyens dans un pays plongé dans une grave crise économique, avec notamment des pénuries de liquidités et d'essence, des coupures d'électricité et une inflation galopante.