Le couperet tombe Le journal pro-démocratie Apple Daily va cesser de paraître

AFP

23.6.2021 - 12:28

Le dernier numéro du quotidien pro-démocratie Apple Daily à Hong Kong paraîtra jeudi, a annoncé le journal mercredi, jour de l'ouverture du premier procès sans jury d'une personne poursuivie pour avoir enfreint la loi sur la sécurité nationale.

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L'annonce de la fermeture de l'Apple Daily est le dernier coup porté aux libertés dont jouissait Hong Kong et à terme, cela pourrait conduire certains médias internationaux à remettre en cause leur présence dans le centre financier. 

Elle intervient près d'un an après que Pékin a imposé une drastique loi sur la sécurité nationale qui destinée à mettre fin à toute dissidence dans l'ancienne colonie britannique. «Apple Daily a décidé que le journal cessera ses activités à partir de minuit et que le 24 juin sera son dernier jour de publication», a écrit le journal sur son site internet.  Ce dernier cessera par ailleurs d'être mis à jour à partir de minuit. 

Une vaste opération avait été menée le 17 juin contre le quotidien que les autorités entendaient depuis longtemps réduire au silence. Plus de 500 policiers avaient débarqué dans la salle de rédaction pour procéder à une perquisition. Ils avaient arrêté cinq de ses dirigeants en raison d'une série d'articles qui, selon la police, appelaient à des sanctions internationales contre Pékin.

Un éditorialiste interpellé

Deux d'entre-eux, le rédacteur en chef du titre Ryan Law et son directeur général Cheung Kim-hung, avaient été formellement inculpés le lendemain pour collusion avec un pays étranger. Ils sont depuis en détention et encourent la prison à vie. 

Les autorités ont également gelé 18 millions de dollars de Hong Kong (2 millions d'euros) d'actifs, empêchant ainsi le journal, fondé en 1995 par le magnat de la presse Jimmy Lai, actuellement en détention, de poursuivre ses activités. Pour cela, elles ont invoqué la drastique loi sur la sécurité nationale imposée par la Chine.

Mercredi, le principal éditorialiste du quotidien, qui signait ses papiers sous le nom de Li Ping, a été arrêté également pour collusion avec des puissances étrangères. Le fondateur du journal, M. Lai, est condamné à plusieurs peines de prison pour son implication dans des manifestations pro-démocratie en 2019. Il est également inculpé en vertu de la loi sur la sécurité nationale, imposée l'an passée par Pékin.

C'est la première fois que des opinions politiques publiées par un organe de presse de Hong Kong entraînent des poursuites en vertu de cette loi controversée. Contrairement à la Chine continentale, où les médias sont majoritairement détenus par l'Etat et font l'objet de censure, à Hong Kong, la liberté d'expression est garantie par sa mini-constitution.

L'entrée en vigueur il y a bientôt un an de la loi sur la sécurité nationale, a cependant radicalement changé le paysage politico-judiciaire de la ville. Le premier procès d'une personne poursuivie pour avoir enfreint la loi sur la sécurité nationale s'est ouvert mercredi sans jury à Hong Kong, ce qui marque un tournant pour le système judiciaire du centre financier international.

Comparution sans jury

Tong Ying-kit, 24 ans, qui comparaît notamment pour terrorisme, incitation à la sécession, avait été le premier Hongkongais à être inculpé l'été dernier en vertu de cette loi, devenue le premier instrument juridique de la reprise en main du territoire par le pouvoir communiste chinois.

Il est accusé d'avoir, le 1er juillet 2020, quelques heures après l'entrée en vigueur de la loi, délibérément percuté à moto un groupe de policiers, parmi lesquels trois ont été blessés. 

Des images le montrent commettant ces faits tout en arborant un drapeau sur lequel est inscrit «Libérez Hong Kong, la révolution de notre temps». Un tel slogan du mouvement pro-démocratie est désormais considéré comme violant la loi sur la sécurité nationale. Il avait interjeté appel devant deux tribunaux de la décision du ministère de la Justice de le juger sans jury mais cela a été rejeté. 

La présence d'un jury était obligatoire pour juger des crimes d'une telle gravité jusqu'à l'entrée en vigueur de cette législation. Cette dernière s'attaque aux infractions relevant de la sécession, de la subversion, du terrorisme et de la collusion avec les forces étrangères. Dans les faits, sa formulation très floue a permis de réprimer toute voix dissidente.

Plus d'une soixantaine de personnes ont été inculpées pour avoir enfreint cette loi, dont de nombreuses figures du mouvement pour la démocratie. Et la plupart sont actuellement en détention provisoire.