Sri-LankaLe président perd sa majorité parlementaire
ATS
5.4.2022 - 22:54
Le président sri-lankais Gotabaya Rajapaksa a perdu sa majorité parlementaire et son nouveau ministre des Finances mardi. Il doit faire face à des manifestations et des appels à sa démission qui s'intensifient dans un contexte de crise économique aiguë sans précédent.
05.04.2022, 22:54
ATS
Le pays de 22 millions d'habitants souffre de pénuries de biens essentiels (aliments, carburant, médicaments), de coupures d'électricité et d'une inflation record, sans que rien ne laisse présager la fin de ces difficultés.
La coalition du Sri Lanka Podujana Party (SLPP) du chef de l'Etat, autrefois toute puissante, a subi une série de défections en amont de la session parlementaire qui s'était réunie mardi. Seize députés ont quitté ses rangs privant le président de sa majorité courte de cinq sièges dans une Chambre qui en compte 225.
Appels à la démission
Les partis d'opposition ont déjà rejeté l'invitation à former un gouvernement d'union dirigée par Gotabaya Rajapaksa et son frère aîné, le Premier ministre Mahinda Rajapaksa. Il n'y a pas eu de signal clair que les députés tenteront une motion de défiance qui le contraindrait à démissionner.
Un député ayant quitté la coalition présidentielle a jugé devant le Parlement mardi qu'il était temps pour le dirigeant de démissionner. «Si nous n'agissons pas maintenant, une rivière de sang va couler dans le pays», a déclaré Wijeyadasa Rajapakshe. «Nous devons oublier la politique de parti et garantir un gouvernement intérimaire.»
Le gouvernement a proclamé vendredi un état d'urgence qui doit expirer la semaine prochaine. Rejetant la demande de l'opposition de soumettre la prolongation de l'état d'urgence à un vote, le gouvernement a abruptement écourté la session de mardi, reportée à mercredi.
Défections retentissantes
La dernière défection retentissante est celle du tout nouveau ministre des Finances Ali Sabry qui a annoncé mardi quitter ses fonctions, au lendemain de sa nomination par le président. «Bien que je regrette les désagréments causés, je crois avoir toujours agi dans le meilleur intérêt du pays», a-t-il expliqué dans une déclaration. Il a prôné des «mesures nouvelles, proactives et non conventionnelles» pour résoudre les difficultés du pays.
Le plus haut fonctionnaire de son ministère a également donné sa démission mardi, un jour après celle du gouverneur de la Banque centrale, Ajith Cabraal.
Nimal Lanza, un ancien ministre qui a également abandonné l'administration de Rajapaksa, a concédé que le parti au pouvoir n'avait plus de mandat pour gouverner et apporté son soutien aux foules qui exigent la démission du président.
Tous les membres du gouvernement, à l'exception du président et de son frère aîné, ont démissionné dimanche soir. De nombreuses manifestations, appelant au départ des Rajapaksa, se sont déroulées dans les plus grandes villes, malgré l'état d'urgence autorisant l'armée à arrêter les contrevenants et le couvre-feu imposé durant le week-end.
Le président a annoncé mardi la levée de l''état d'urgence, qui a duré cinq jours et a débouché sur l'arrestation de plus de 60 personnes par la police. Certains détenus ont affirmé avoir subi des tortures de la part des forces de l'ordre.
«Ecoutez le cri du peuple»
La foule a tenté lundi de prendre d'assaut les résidences d'une dizaine de personnalités du gouvernement, dont celle du président à Colombo. Des manifestants ont incendié des véhicules des forces de sécurité, qui ont répliqué par des tirs de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc. Mais la plupart des manifestations ont été pacifiques.
Le clergé et les religieuses catholiques, cardinal Malcolm Ranjith en tête, ont aussi organisé mardi une procession silencieuse dans la capitale. «C'est un pays précieux avec des gens intelligents. Mais notre intelligence, l'intelligence du peuple, a été insultée par la corruption», a lancé le cardinal Ranjith. «S'il vous plaît, écoutez maintenant le cri du peuple et démissionnez», a-t-il ajouté.
La pandémie de Covid-19 a fait chuter les revenus du tourisme et les transferts de fonds. Subissant une grave pénurie de devises étrangères, le Sri Lanka peine à assurer le service de sa dette colossale de 51 milliards de dollars.
De mauvaises décisions politiques ont aggravé les problèmes, selon les économistes. Des réductions d'impôts malavisées juste avant la pandémie ont privé l'Etat de recettes et creusé la dette.