ArménieLe Premier ministre arménien dénonce une tentative de putsch
ATS
25.2.2021 - 16:03
Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a pris jeudi la tête d'une importante manifestation de ses partisans pour dénoncer une «tentative de coup d'Etat» militaire. Il entend aussi réaffirmer son autorité, affaiblie depuis la défaite de l'Arménie dans le conflit du Nagorny Karabakh.
Plusieurs heures après que l'état-major a réclamé la démission du chef du gouvernement, aucun mouvement de troupes n'était visible dans les rues d'Erevan. Le ministère de la Défense a quant à lui jugé «inacceptable d'entraîner (l'armée) dans des processus politiques», désavouant ainsi le commandement.
Nikol Pachinian a aussi appelé les généraux à se plier aux ordres, s'adressant à quelque 20'000 de ses sympathisants rassemblés place de la République dans la capitale. «L'armée (...) doit obéir au peuple et aux autorités élues», a-t-il dit sous les hourras de la foule. «Ce sont mes ordres et personne ne peut y désobéir.»
«Commençons à nous parler»
S'adressant à ses détracteurs, M. Pachinian a appelé au dialogue. «Nous sommes fatigués de cette constante instabilité (...), commençons à nous parler», a-t-il dit, menaçant «d'arrestations» ceux qui iraient «au-delà de déclarations politiques».
A un kilomètre de là, entre 10'000 et 13'000 manifestants d'opposition appelaient au départ du chef du gouvernement, arrivé au pouvoir au printemps 2018 à l'issue d'une révolution. Ils ont prévu de camper sur la place de la Liberté jusqu'à ce qu'ils obtiennent satisfaction, selon des dirigeants de partis d'opposition qui veulent son départ depuis la défaite militaire face à l'Azerbaïdjan.
La Russie, allié traditionnel de l'ex-république soviétique, s'est dite «préoccupée» par la situation et a appelé «au calme». La Turquie, ennemi juré de l'Arménie, a dit pour sa part condamner «fermement» cette «tentative de putsch».
La puissante Eglise apostolique arménienne a appelé les forces politiques à des «négociations pour le bien de la patrie et du peuple».
Risque de «guerre civile»
M. Pachinian avait annoncé plus tôt une «tentative de coup d'Etat militaire» et pris la tête d'une marche de soutien en réponse à son état-major qui avait réclamé par communiqué son départ pour protester contre le limogeage mercredi d'un gradé.
Le pas décidé, mégaphone en main, le Premier ministre de 45 ans avait qualifié la situation de «tendue» mais «gérable» et limogé le chef d'état-major, Onik Gasparian. Le principal parti d'opposition, Arménie Prospère, a estimé que M. Pachinian avait une «dernière chance» de partir sans «mener le pays vers la guerre civile».
Mercredi, M. Pachinian avait limogé Tigran Khatchatrian, l'adjoint du chef d'état-major, déclenchant la colère du commandement militaire qui a en retour réclamé sa démission, accusant le Premier ministre «d'attaques destinées à discréditer les forces armées».
Tigran Khatchatrian s'était moqué dans la presse de déclarations de M. Pachinian mettant en cause la fiabilité d'un système d'armement russe, les lance-missiles Iskander, durant le conflit du Karabakh.
Humiliation nationale
Le Premier ministre arménien est depuis des semaines sous la pression de l'opposition et de manifestations récurrentes, à cause de la défaite militaire de l'Arménie lors du conflit de l'automne 2020.
Jusqu'ici, il avait le soutien de l'état-major. A la fin de la guerre, celui-ci et Nikol Pachinian avaient accepté les conditions d'un cessez-le-feu négocié par le président russe Vladimir Poutine et qui impliquaient d'importantes pertes de territoires sous contrôle arménien depuis les années 1990.
Si l'essentiel de la région séparatiste arménienne du Nagorny Karabakh a survécu, l'Arménie a perdu la ville symbolique de Choucha, ainsi qu'un glacis de territoires azerbaïdjanais entourant la région. Cette défaite a été vécue comme une humiliation nationale.
Depuis son indépendance à la chute de l'URSS en 1991, l'Arménie a connu une succession de crises et de révoltes, dont certaines furent meurtrières.