Synthèse du rapport du GIEC L’urgence climatique est là, mais les solutions aussi

ATS

20.3.2023 - 14:04

La synthèse de neuf années de travaux du Giec sur le climat sonne lundi comme un rappel brutal de la nécessité pour l'humanité d'enfin agir radicalement au cours de cette décennie pour s'assurer «un futur vivable». Les risques associés au réchauffement sont énormes.

Le Giec a publié ce lundi 20 mars la synthèse de son 6e rapport d’évaluation (photo d'illustration).
Le Giec a publié ce lundi 20 mars la synthèse de son 6e rapport d’évaluation (photo d'illustration).
KEYSTONE

20.3.2023 - 14:04

Cette synthèse, qui succède à celle de 2014 et n'aura pas d'équivalent dans la décennie en cours, est «un guide de survie pour l'humanité», a souligné le secrétaire général de l'ONU, António Guterres.

«Ce rapport est un message d'espoir», a insisté auprès de l'AFP le président du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec), Hoesung Lee.

«Nous avons le savoir-faire, la technologie, les outils, les ressources financières et tout ce dont on a besoin pour surmonter les problèmes climatiques que nous avons identifiés» mais «ce qui manque pour l'instant, c'est une volonté politique forte afin de les résoudre une fois pour toutes», juge l'économiste coréen.

Rôle central des énergies fossiles

Ce «consensus scientifique du Giec» sera la base factuelle des intenses tractations politiques et économiques des prochaines années. A commencer par le sommet climat de l'ONU en décembre à Dubaï, la COP28, où un premier bilan des efforts de chaque pays dans le cadre de l'accord de Paris sera dévoilé et où l'avenir des énergies fossiles sera âprement négocié.

Au cours des longues sessions de discussions du Giec en Suisse durant le week-end, les négociateurs d'Arabie Saoudite se sont battus pour diluer les phrases sur le rôle central des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon). La place accordée dans le «résumé pour les décideurs» de 36 pages à la légitimité des technologies de captage du CO2 porte leur marque, selon certains observateurs, qui y voient de potentiels «permis de brûler».

Réchauffement de 1,5°C dès 2030-2035

Le réchauffement climatique atteindra 1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle dès les années 2030-2035, prévient le Giec, alors que la température a déjà grimpé de près de 1,2°C en moyenne.

Cette projection est valable dans presque tous les scénarios d'émissions de gaz à effet de serre de l'humanité à court terme, compte tenu de leur accumulation depuis un siècle et demi.

Les émissions de CO2 qui émaneraient des infrastructures fossiles existantes, si elles ne sont pas équipées de moyens de captage, suffiraient à elles seules à faire basculer le monde vers les 1,5°C.

Mais «des réductions profondes, rapides et prolongées des émissions (...) conduiraient à un ralentissement visible du réchauffement mondial en environ deux décennies», écrit aussi le groupe de scientifiques.

«Ce rapport souligne l'urgence à prendre des mesures plus ambitieuses et montre que, si nous agissons maintenant, nous pouvons toujours assurer un futur vivable pour tous», insiste le président du Giec, Hoesung Lee.

Les impacts plus graves qu'estimé auparavant

«Pour tout niveau de réchauffement futur, de nombreux risques associés au climat sont plus élevés que ce qui avait été estimé» dans le précédent rapport de synthèse de 2014, écrivent les scientifiques.

Ils s'appuient sur la multiplication observée récemment des événements météo extrêmes comme les canicules, et de nouvelles connaissances scientifiques, par exemple sur les coraux.

«En raison de la montée inévitable du niveau des océans, les risques pour les écosystème côtiers, les personnes et les infrastructures continueront à augmenter au-delà de 2100», soulignent-ils aussi.

La question des «pertes et dommages» causés par le réchauffement et déjà subis par certains pays, en particulier les plus pauvres, sera l'un des sujets de discussion à la COP28.

«La justice climatique est cruciale car ceux qui ont contribué le moins au changement climatique sont affectés de manière disproportionnée», souligne Aditi Mukherji, une des auteurs de la synthèse.

La chaleur d'aujourd'hui sera la fraîcheur de demain

«Les années les plus chaudes que nous avons vécues jusqu'à présent seront parmi les plus fraîches d'ici une génération», résume Friederike Otto, co-autrice de la synthèse.

Les huit dernières années ont déjà été les plus chaudes jamais enregistrées au niveau mondial. A l'avenir, elles compteront donc parmi les plus fraîches du siècle, quels que soient les niveaux d'émissions de gaz à effet de serre.

Ce constat souligne la nécessité de mener de front les efforts d'adaptation au changement climatique et ceux de réduction des émissions pour ne pas l'aggraver encore plus.

Moins cher d'investir que de subir

«Les bénéfices économiques et sociaux d'une limitation du réchauffement climatique à 2°C dépassent le coût des mesures à mettre en place», assurent encore les experts.

Mais toute procrastination supplémentaire élèverait la marche à franchir, note le Giec, alors que le monde bénéficie déjà des rapides progrès des énergies renouvelables.

«De 2010 à 2019, les coûts ont diminué durablement pour l'énergie solaire (85%), éolienne (55%) et les batteries au lithium (85%)», rappelle la synthèse.

A court terme, ajoute le Giec, «les actions à entreprendre impliquent des investissements de départ élevés et des changements potentiellement radicaux».

Suisse très impactée

«La Suisse est elle aussi déjà fortement touchée par le changement climatique», observe Erich Fischer, un des experts actifs en Suisse ayant participé au rapport du Giec.

La Suisse a eu ces dernières années «un avant-goût des phénomènes extrêmes qui pourraient s'aggraver et se généraliser dans un avenir proche: canicules, sécheresses, fortes précipitations, manque de neige», précise-t-il.

Les experts basés en Suisse invitent à agir plus fort, plus vite: «Plusieurs mesures de la stratégie suisse 2020-2025 d’adaptation aux changements climatiques ne consistent qu’en de petites adaptations de la situation actuelle. Or, des transformations fondamentales et systémiques sont nécessaires pour réduire les risques futurs», a expliqué Veruska Muccione, auteure principale du Giec aux Université de Genève et de Zurich.

ATS